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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 45.djvu/41

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vous le savez, vous qui avez vécu de la vie publique, quand on parle dans les assemblées on est bien obligé de se mettre un peu dans le courant de l’opinion régnante, ne fût-ce que pour faire accepter des tempéramens et des délais dont autrement elles ne s’accommoderaient pas. Il ne faut pas les heurter de front, mais, je vous le répète, M. de Bismarck n’a nullement la pensée de troubler la paix de l’Europe. Il a assez à faire chez lui pour ne pas chercher des embarras au dehors. » L’entretien finit sur cette déclaration dont Daru remercia Werther.


X

Bismarck ne fut pas surpris des confidences de Daru, car il connaissait la politique de notre collègue. N’en contesta-t-il ni la justesse, ni l’opportunité, qui le croira ? « Que nous importe, dit-il au Reichstag[1], que l’aide des troupes allemandes du Sud nous soit assurée par des traités ou par l’entrée des États méridionaux dans la Confédération du Nord ? En fait, nous avons, à l’égard de l’Allemagne du Sud, gagné une précieuse fraction de l’unité nationale. Lorsque le Roi, mon très gracieux maître, exerce dans la Confédération du Nord un pouvoir qui n’a pas besoin d’être plus étendu dans l’intérêt national, dans l’intérêt de l’influence de l’Allemagne et de sa sécurité, je puis prétendre que le chef de la Confédération du Nord a dans l’Allemagne du Sud une situation comme aucun empereur allemand ne l’a eue depuis Frédéric Barberousse. » Je retrouvais dans ce discours d’un bon sens si éclatant ce que j’avais dit à la tribune, ce que j’avais répété à l’Empereur, et je résolus de me dégager d’une solidarité à laquelle je n’étais pas tenu. La politique de Daru était contraire au programme ministériel : nous avions arrêté d’accepter sans récriminations le passé ; de ne pas intervenir dans les événemens qui se dérouleraient en Allemagne ; nous n’avions nullement décidé que, dans le cas où ils aboutiraient à une union plus étroite du Sud et du Nord, nous considérerions cette modification comme une atteinte à nos intérêts, et que nous essaierions de la prévenir en faisant comprendre discrètement ou indiscrètement qu’avec celle de l’Autriche, elle rencontrerait notre opposition formelle. Il avait été, au contraire, expressément

  1. 24 février 1870.