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LA CRÉATION


A Madame Marie Auguste Dorchain.

Dieu tira du chaos l’ordre avant la beauté.
C’était l’ébauche : il souffle, et la forme respire.
Il confère à la voix, au regard, leur empire,
L’intelligence au front, le courage au côté.

Alors se dresse Adam, velu de majesté :
L’homme invente le soc, l’astrolabe et la lyre ;
Mais, ô vierges, salut ! C’est dans votre sourire
Qu’un ciel promis au cœur nous est manifesté.

Eve apporta la grâce, éclose la dernière,
La grâce, doux effort d’une âme prisonnière
Qui prête un rythme d’aile au matériel contour ;

Ainsi Dieu par un geste a réglé l’harmonie,
D’un peu de son regard il a fait le génie,
Et d’une fleur est né son chef-d’œuvre, l’amour.


MALHEUR A NOUS !


Mystérieux, l’œil noir ressemble aux nuits profondes
Dont le charme sacré fait plier les genoux,
Et, pareil aux matins, l’œil bleu tendre des blondes
Par sa caresse épanche un paradis en nous.

Mais, comme on voit décroître et changer d’apparence
Les nuits de velours sombre et les matins soyeux,
Ainsi meurt et se mue en froide indifférence
Le fascinant appel émané des beaux yeux.

Sur les lèvres en fleur voltige le caprice :
Il offre leur sourire aux baisers imprudens,
Comme un zéphyr d’avril dont l’aile tentatrice
Ouvre la rose et l’offre aux moucherons ardens ;