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pour révolutionnaire, parce que la Constitution anglaise ne lui déplaisait point ; l’autre, le duc de Berry, brutal, brouillon, bruyant, point dépourvu d’intelligence, mais de moralité faible, effrayait la famille par des frasques éclatantes : lors de la Restauration, il affectera des façons soldatesques, parlant aux grenadiers la langue de Cambronne, sans qu’on sût jamais sur quel champ de bataille ce prince avait acquis le droit de tutoyer ces héros.

Les d’Orléans, princes « atrocement » compromis dans la Révolution, feront mieux estimer aux aînés les Condé, si bien pensans, qu’ils furent toujours plus royalistes que le Roi. Eux, du moins, surent tirer l’épée. « Vainqueur de Friedberg et de Bernstein, » écrira emphatiquement Louis XVIII au prince de Condé. Qu’est-ce que Friedberg ? Qu’est-ce que Bernstein ? Nous l’ignorons et restons surpris. Mais les Bourbons se devaient contenter de peu et Condé avait essayé de faire beaucoup. Son petit-fils le duc d’Enghien devait, en outre, montrer, par son altitude, dans la sinistre aventure de Vincennes, qu’il restait vraiment, dans cette brandie, ce jour-là brisée, de l’arbre de Capet, quelque chose de la sève généreuse du temps jadis.

L’Europe, avouons-le, fit tout pour paralyser l’énergie des uns et encourager la pusillanimité des autres. Les Bourbons sont évidemment revenus en 1814 dans les fourgons de l’étranger, mais on les y avait systématiquement relégués, depuis 1792, et, au besoin, tenus captifs, d’ailleurs, dans l’intention bien manifeste de faire marcher le plus tard qu’il se pourrait ces humilians véhicules. L’Europe leur avait été hostile : elle détestait et enviait ces Bourbons de France depuis si longtemps ! L’ « insolente nation » qui forçait l’admiration de Guillaume d’Orange, avait depuis tant de siècles excité tant de haines ! Tout d’abord, chacun, en Europe, crut pouvoir profiter de la Révolution pour servir ses rancunes et prendre ses convenances. L’orgueilleuse dynastie humiliée, l’armée française dans l’anarchie, l’ « insolente nation » déchirée, voilà, ce que virent tout d’abord, dans les événemens de 89, les petits-fils des adversaires de Louis XIV. Sorel nous a si bien dénoncé ces aimables projets qu’il serait oiseux d’y revenir. Il n’est pas jusqu’aux Bourbons de Naples et de Madrid qui n’éprouvassent une joie secrète à voir mortifier