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être enlevé et, par surcroît, à Dillingen, il fut effleuré par une balle qu’il reçut avec un beau sang-froid. À lui aussi néanmoins un séjour si périlleux paraissait peu pratique. D’ailleurs, son embonpoint suffisait à lui faire jouer, dans un état-major qui restait frondeur et railleur, un rôle ridicule. Lorsque Blankenberg, en Brunswick, eut été désigné au Roi comme résidence, il s’y installa sans tarder, en juillet 1796. C’était modeste : trois chambres louées à la veuve d’un brasseur.

On s’y résignait : le Roi n’allait-il pas être restauré ? Les élections s’annonçaient bonnes. Pour n’être pas à la merci d’une assemblée, fût-elle royaliste, on était en outre entré en relations avec Pichegru et on sondait Moreau. On songeait même à Bonaparte qui, depuis Vendémiaire, « était devenu bon. » Le comité de Paris eût seulement voulu moins d’intransigeance dans les principes : il faudrait que « le Roi se prononçât de manière à faire connaître qu’il était disposé à ne poursuivre personne.., et qu’il ne tenait pas à l’ancien régime dans son ensemble. »

De fait, les nouveaux Conseils, en majorité modérés, après les excellentes élections de 1797, n’étaient disposés, — et encore ! — à accepter la monarchie que tempérée. On tentait, il est vrai, de conquérir à des idées plus saines les nouveaux élus qu’un comité accueillait à Paris. Mais mieux valait cuisiner des généraux et préparer, d’autre part, une insurrection d’ensemble dont, le Comte d’Artois étant discrédité, le duc de Berry serait le chef (encore que la brutale intransigeance du « petit » inquiétât Louis XVIII). Disons le mot : on conspirait, à l’heure où, — après des élections contre-révolutionnaires, — il eût fallu être très sage. On prêtait ainsi le flanc à un retour offensif du Directoire jacobin battu légalement. Il en profita, le 18 fructidor, pour frapper, pêle-mêle, modérés et royalistes, mettant à néant, grâce en partie à l’imprudence des agens du Roi, les projets si laborieusement échafaudés et tout près de réussir.

Plus éloigné du trône qu’il ne l’avait jamais été, Louis était trop philosophe pour que rien en cette aventure lui parût irréparable. Il est étonnant ! Ses agens aussi. Un mois après le coup d’Etat, en voici un qui « se creuse la tête pour aborder Bonaparte, » et, Bonaparte parti pour l’Egypte, on ne désespère pas