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méridionales ; mais aussi étaient-ce ses sympathies intellectuelles qui lui avaient fait choisir cet enseignement. Il aimait tout de l’Italie, l’art et la nature, la campagne et les villes ; il aimait les chansons qu’apporte la brise parfumée, mais surtout les confidences que font les vieilles pierres. La vie italienne, telle qu’elle lui apparaissait au cours des siècles, « sensuelle, aventureuse, pénétrée d’ironie et de passion, » lui était un sujet d’inépuisable curiosité. Le peuple italien n’était pas pour lui une entité, ni une foule indistincte, confuse et partout pareille à elle-même ; ce qui le ravissait, au contraire, c’étaient ces variétés et ces nuances qu’on y découvre à l’infini : la gravité du Lombard, la morbidesse du Vénitien, la force honnête et brutale du Romagnol, la noblesse fade ou la sévérité sombre du Romain, la gaîté déraisonnable du Napolitain, l’astuce tranquille du Sicilien. Seulement, la cité où ses préférences le ramenaient quand même, c’était Florence, et le caractère qu’il revenait sans cesse à peindre était celui de ses chers Florentins. « Ils font toutes choses légèrement et avec grâce. Leur douceur de mœurs est admirable. Ils sont trop éveillés pour consentir à l’indolence voluptueuse de Venise, trop fins pour imiter les façons pompeuses du Romain, trop bien élevés pour s’abandonner à l’assourdissante vocifération du Napolitain. C’est un peuple réfléchi, ironique, de conscience claire et qui voit clairement au fond de l’âme de son prochain. Il méprise les idées creuses, les superstitions vaines, l’enthousiasme puéril, toutes les manifestations de la sottise humaine… » Et je ne sais pourquoi, en lisant le portrait du Florentin, tel que l’a tracé le bon Lorrain Gebhart, je songe à ces auteurs qui dans le portrait de leurs héros mettent un peu d’eux-mêmes.

Aussi l’œuvre de Gebhart, dans sa partie essentielle, est-elle consacrée à l’Italie. Il l’a peinte à divers momens de son histoire et dans les plus significatives manifestations de son âme. L’Italie du moyen âge lui a plu, pour la note originale qu’elle a mise dans le christianisme : liberté d’esprit, amour, pitié, sérénité joyeuse, familiarité. Dans son Italie mystique, — qui restera probablement comme son livre capital, — il est allé tout droit vers ces campagnes d’Assise, de Pérouse, d’Agubbio, petits centres que n’avait pas encore touchés la civilisation des grandes villes, « monde isolé et candide, berceau d’élection pour une renaissance religieuse. » Il a consacré ses meilleures pages, les plus fines, les plus affectueuses, au saint d’Assise. Il s’est appliqué à nous faire entendre le son de cette âme de cristal. Il a évoqué pour nous, en lui gardant son charme de tendresse et sa