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choses du cloître et des gens d’Église, il est vrai qu’il y prenait un plaisir singulier, quoiqu’il fût, pour sa part, d’humeur fort peu mystique. Mais ne suffit-il pas de dire qu’il fut un homme très intelligent, et que les questions religieuses lui parurent les plus propres à découvrir le fond de l’âme humaine ? L’une des études préférées de l’auteur, une de celles où il avait condensé le plus de recherches et fait le plus grand effort de critique, c’était son étude sur les Borgia. La littérature l’y avait amené. Le roman et le théâtre, s’emparant de ces incomparables premiers rôles, les ont élevés à la dignité de monstres, en qui il devient impossible de retrouver la forme de l’humaine condition. Et d’autre part, certaines tentatives qu’on a faites pour les réhabiliter n’étaient pas exemptes de puérilité. Le point de vue auquel s’est placé Gebhart consiste à considérer leur immoralité, non pas comme un jeu de la nature, mais comme la loi même de la tyrannie italienne. Il les replace dans leur milieu, avant de les juger, esquisse les conditions morales et politiques auxquelles l’histoire du XVe siècle italien les a soumis. « Nous ne jugerons ces hommes ni comme un accident, ni comme une exception ; ni leur conscience, ni leur politique n’étaient une nouveauté : ces virtuoses ont jeté des notes violentes, mais pas une seule note fausse dans le concert de la Renaissance. » À être ainsi tenu dans la note juste, le tableau ne perd, croyez-le bien, ni en relief, ni en coloris. — On sait, au surplus, où il faut s’adresser, si l’on veut trouver le répertoire le plus complet de la vie italienne : c’est au Décaméron. Gebhart, dont le livre de début avait été un Rabelais, a rendu, dans ses Conteurs florentins, un abondant hommage au génie de Boccace. Il s’est mis en devoir d’analyser, d’expliquer, de commenter ses plus beaux contes : c’est toute Titane, celle du moyen âge et de la Renaissance, qu’il y découvrait, l’Italie tout entière, sous ses deux masques, le comique et le tragique.

L’artiste est pour le moins aussi curieux à étudier en Gehbart que l’érudit et le moraliste. En tête du livre où il retrace les grands courans de la Renaissance, il a écrit ces lignes, importantes pour qui veut connaître son tour d’esprit et ses procédés de composition : « Ceci n’est point un tableau de chevalet, le portrait d’un personnage singulier à la physionomie duquel doivent se rapporter tous les détails de l’œuvre, et dont le regard éclaire toute une toile. J’avoue qu’un tel travail est plus divertissant et que l’unité et les proportions étroites du sujet sont un charme pour le critique. » C’est la profession de foi, ou, pour parler plus simplement, l’aveu de l’écrivain. Il ne se