ces quinze dernières années. Après chacune des élections dernières, on constatait une aggravation dans le sens radical, ou même socialiste : pour la première fois on est arrivé à un point d’arrêt, et il y a même eu un léger recul, symptôme qui mérite d’être accueilli avec une satisfaction relative dans une époque où il faut savoir se contenter de peu. Le gouvernement et les Chambres y verront-ils un avertissement et une leçon ? Il y aurait de leur part imprudence à ne pas le faire. Tant de projets de réformes, ou de prétendues réformes, dont on nous assourdit, ont fini par faire naître de l’inquiétude. Jusqu’ici on ne croyait pas à la réalisation de ces projets : depuis quelques mois on se prend à la craindre, et les intérêts qui sommeillaient dans une sécurité trompeuse commencent à se sentir menacés. Le projet d’impôt sur le revenu est assurément pour beaucoup dans le malaise général. A mesure que la discussion s’en déroule devant la Chambre, tous ceux qui ont un revenu, même faible, deviennent plus attentifs et s’inquiètent. Une réforme fiscale, périlleuse en tout temps, l’est encore davantage au moment où nous sommes. Les vaches grasses ont fait place aux vaches maigres. Le rendement des impôts a baissé ces derniers mois. Les journaux parlent, à mots couverts, des difficultés que rencontre M. le ministre des Finances à mettre en équilibre le budget qu’il va soumettre au Parlement. Dans ces conditions, le branle-bas général qu’on propose d’introduire dans notre système d’impôts est une gageure où la témérité se rapproche de l’inconscience. La Chambre s’en apercevra-t-elle ? Si elle le fait, M. Caillaux pourrait bien rencontrer sur sa route quelques déceptions.
Il semble, en tout cas, que l’influence déjà atténuée du parti collectiviste, où, si l’on veut, socialiste unifié, soit destinée à diminuer encore à la suite des scrutins d’hier. Il n’y a eu, en effet, qu’un parti qui ait souffert, et c’est celui-là. Le socialisme unifié est en décadence : il a été battu à Toulouse, à Lille, à Montpellier, à Saint-Étienne, à Brest ; il a perdu plusieurs sièges à Paris. Les beaux jours de M. Jaurès sont passés. La semaine dernière, il lui a été impossible de prendre la parole à Toulouse dans une réunion qu’il avait provoquée, et que la police a dû clore au milieu du tapage. Il a lassé le pays par ses déclamations à la fois violentes et décousues : on commence à se rendre compte de l’influence néfaste qu’il a exercée sur les ministères antérieurs, notamment sur celui de M. Combes ; enfin, et surtout, la méconnaissance absolue, pour ne pas dire la négation brutale des sentimens qui se rattachent à l’idée de patrie, est devenue si claire à travers les obscurités de sa rhétorique que la conscience nationale en a été