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des Conseils généraux et par les élections municipales, et comme elles ont l’habitude de se séparer vers le 14 juillet, leur activité législative ne durera guère que deux mois. Ces deux mois seront employés au Sénat à la discussion du rachat de l’Ouest, et à la Chambre à celle de l’impôt sur le revenu. Cette courte session sera donc très importante ; nous doutons qu’elle soit utile au même degré.


Nous nous efforçons de tenir, de quinzaine en quinzaine, nos lecteurs au courant des événemens du Maroc. La tâche n’est pas toujours facile. Sans doute, il se passe quelque chose au Maroc, mais il est souvent difficile de dire quoi. Dans la région de Casablanca, la comédie dont nous avons déjà indiqué quelques traits se poursuit entre le Sultan et son frère, à travers des péripéties de plus en plus déconcertantes. Chaque jour on annonce qu’ils vont enfin entreprendre les mouvemens les plus décisifs : nous regardons avec une attention mêlée d’anxiété et nous ne voyons jamais rien du tout. Tantôt c’est la grande méhalla d’Abd-el-Aziz qui va partir pour Fez et celle de Moulaï-Hafid pour Marakech, de sorte que chacun des deux semble devoir rejoindre sa capitale. Le lendemain, c’est Moulaï-Hafid qui va à Fez et Abd-el-Aziz qui gagne Marakech : ils opèrent entre eux un chassé-croisé imprévu. Finalement, ils restent en place l’un et l’autre, toujours menaçans, toujours immobiles.

Les nouvelles se succèdent et alternent, le plus souvent avec monotonie. Un jour cependant, il en est arrivé une qui nous a paru très importante, et dont nous avons conçu de sérieuses espérances : on annonçait que les troupes d’Abd-el-Aziz étaient entrées à Saffi et qu’elles y avaient été reçues avec un immense enthousiasme. Rien ne pouvait arriver plus à propos. Saffi est ce port de mer qui, occupé par Moulaï-Hafid, lui servait à recevoir du dehors des armes et des munitions : la contrebande de guerre passait principalement par cette porte. Le bruit avait couru, il y a quelque temps, que nous occuperions nous-mêmes Saffi, mais il avait été presque aussitôt démenti ; un acte de cette nature aurait pu provoquer, en effet, des difficultés internationales ; on aurait pu y voir une intervention dans les affaires intérieures du Maroc ; il aurait pu faire de Saffi un autre Casablanca. Nous avions donc pris le parti de nous abstenir, mais ce que nous ne pouvions pas faire sans nous exposer à des inconvéniens assez délicats, Abd-el-Aziz, au contraire, était en droit de l’exécuter s’il en avait les moyens. Les avait-il ? Les lui a-t-on fournis ? Les renseignemens manquent sur l’origine de cette affaire : le secret de la