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un peu la vérité au milieu de l’immense fourberie organisée pour la cacher.


VI

Prim s’était mis aussitôt à l’œuvre sans attendre le retour de Salazar. Justement la candidature de Montpensier, qui aurait pu le gêner et l’empêcher de disposer de la majorité des Cortès, venait enfin de s’effondrer définitivement. Ce prince eût véritablement mérité de réussir par sa ténacité : aucun échec ne le rebutait, il recommençait toujours. Même après le duel qui semblait avoir anéanti ses dernières chances, il risqua une nouvelle tentative. « Quoi que fasse le duc de Montpensier, disait Serrano, il n’arrivera jamais à se faire élire. J’ai fait tout ce qui m’a été possible pour cette solution qui m’a toujours paru la plus convenable, mais les circonstances ont été les plus fortes. Je ne comprends pas qu’il veuille à toute force s’exposer au vote des Cortès, quand il peut être sûr d’avance qu’il lui sera contraire. » Il ne laissa pas ignorer son sentiment à Montpensier. Le duc répondit qu’il voulait en finir : « On savait tout ce qu’il avait fait pour la Révolution ; il se croyait désigné pour en assurer le succès, mais il était fatigué de se voir journellement mis en discussion en Espagne et en Europe, et si les Espagnols ne voulaient réellement pas de lui, ils n’avaient qu’à le dire clairement, il irait vivre dans la retraite. — Bien ! fit le Régent, si ce qu’il veut c’est un prétexte pour rentrer convenablement dans la vie privée, il peut avoir raison. Dans ce cas, il devrait tout simplement arrêter toutes les subventions et dire à ses amis : Arrangez-vous sans moi comme vous pourrez ; plus tard, si on a besoin de moi, on me trouvera. »

Montpensier fit présenter par des amis, en majorité dans la Commission de Constitution, un projet par lequel il serait procédé à l’élection du monarque comme pour une loi ordinaire. Il suffirait de la majorité des députés présens, pourvu qu’ils représentassent la moitié de la Chambre. Les députés étant au nombre de 354, 177 pourraient procéder à l’élection, 89 voix donneraient le trône. Or les Montpensiéristes, comptant sur plus de cent voix, se voyaient, par cet amendement, assurés du succès. Mais Prim fit présenter par un de ses amis, Rogio Arias, un amendement au projet de la Commission, d’après lequel il faudrait