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« C’est ainsi, dit-il, que j’aurais parlé moi-même. » Il était tellement éloigné de croire à l’imminence du péril, en prévision duquel il avait consenti à établir cette entente stratégique avec le généralissime des armées autrichiennes qu’il ne jugea pas nécessaire d’instruire ses ministres, pas même Gramont, de la mission du général Lebrun, de son origine, de sa nature, de ses résultats, pas plus qu’il n’avait cru utile de les initier au secret rapporté de Vienne par Gramont. Ce fut seulement en 1875 que j’en eus connaissance pour la première fois. Ayant appris que Lebrun préparait des Mémoires, je le priai de me les lire. Lorsque, dans sa lecture, il parvint à sa mission à Vienne, je poussai une exclamation de surprise : « Vous ne connaissiez donc pas cette histoire ? me dit-il. Si je l’avais su, je ne vous l’aurais pas lue. — Maintenant que vous avez commencé, je vous prie de continuer. « Au sortir de chez lui, j’écrivis immédiatement au maréchal Le Bœuf. Il me répondit par l’explication que je viens de reproduire.


X

Questions de paix et de guerre, d’armement et de désarmement furent traitées avec une solennité particulière au Corps législatif, à la veille du jour où elles allaient se transformer en réalités poignantes. L’Empereur, depuis qu’il s’était décidé à accepter le système libéral, ne cessait d’être préoccupé de la crainte que, sous l’action devenue prépondérante des assemblées, la force militaire ne fût diminuée jusqu’à ce degré où la sécurité nationale serait compromise. Il avait appelé auprès de lui tous ceux qu’il supposait en situation de lutter contre cette tendance.

Mettant de côté les considérations personnelles, pour mieux sauvegarder un intérêt public aussi majeur, il avait chargé le ministre de la Guerre de faire une démarche auprès de M, Thiers et de le prier de défendre le contingent, annuellement attaqué par ses amis. Le 19 janvier, il écrivait à Le Bœuf : « Mon cher général, après votre départ, j’ai vu M. E. Ollivier. Je lui ai demandé son avis sur la réduction du contingent. Il m’a dit que M. Thiers lui avait demandé si les bruits de réduction étaient vrais, et sur sa réponse que le Conseil n’en avait pas encore délibéré, M. Thiers lui a conseillé de n’en rien faire. J’ai beaucoup