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d’Europe, a constamment diminué. La durée moyenne de la vie n’est plus de trente ans, comme au milieu du XIXe siècle ; elle est de quarante-cinq ans environ.

Comment expliquer pareil changement, sinon par les progrès de la médecine et de l’hygiène ? Etablir par exemple, comme la science médicale a pu le faire, que la tuberculose est contagieuse, qu’elle l’est surtout par les crachats des tuberculeux, qu’il faut donc considérer les tuberculeux comme des centres d’infection semant la maladie et la mort autour d’eux, cela est beaucoup plus efficace que de guérir quelques malades qui toussent. Montrer que la fièvre typhoïde se propage par l’eau, et que l’on évitera presque certainement la fièvre typhoïde, si l’on ne boit pas une eau contaminée, cela peut être rangé parmi les plus grands triomphes de la médecine. Prouver, par des statistiques innombrables, et par des observations rigoureuses, que la seule alimentation qui ne fasse pas mourir le jeune enfant, est le lait maternel, c’est sauver des milliers d’existences.

On ne nous objectera pas que la contagion par les tuberculeux existe encore, qu’il y a encore des fièvres typhoïdes, et que des milliers d’enfans du premier âge meurent par suite d’une défectueuse alimentation ; car ce n’est pas la faute de la médecine ou de l’hygiène si leurs préceptes sont mal suivis. Ces trois grands problèmes, — de la tuberculose, de la fièvre typhoïde, et de l’alimentation des nouveau-nés, — relèvent plutôt de la sociologie que de la médecine. Si les médecins avaient, par quelque impossible événement, tout pouvoir pour diriger despotiquement, — et avec un despotisme que nul tyran n’oserait assumer, — les destinées des peuples, ils feraient disparaître en quelques années la tuberculose et la fièvre typhoïde ; et on n’assisterait plus à ce scandaleux et douloureux spectacle, la honte de notre civilisation : 50 000 enfans mourant dans la première année, — et il ne s’agit que de la France, — parce qu’ils sont mal nourris, ou même parce qu’ils ne sont pas nourris du tout.

Il faudrait plusieurs gros livres pour développer les faits. dont je ne donne ici qu’une élémentaire énumération. Mais j’en ai dit assez, ce semble, pour que toute personne impartiale ait le droit de considérer comme paradoxale et inique cette affirmation que la médecine est impuissante.

Un autre reproche, en apparence très grave, est que les médecins