Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 45.djvu/658

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les procédés indiqués par le maître, feront des analyses tout aussi bien que lui.

C’est donc une extraordinaire injustice que de reprocher à la médecine de n’être pas une science. La pathologie est une science, tout aussi positive que les autres ; moins avancée que certaines, plus avancée que d’autres. Mais c’est une science. Au contraire, la thérapeutique clinique, c’est-à-dire l’application à un cas particulier de la pathologie, de la physiologie, de la chimie, de l’hygiène, de la psychologie, de la physique, voire de toutes les connaissances humaines, la thérapeutique clinique est un art qui exige quelque chose de plus que la science. Dieu seul pourrait être un médecin irréprochable ; car le médecin irréprochable devrait tout savoir. Or nous savons si peu de chose encore que c’est merveille devoir, malgré toutes nos ignorances, à quel point la thérapeutique et la clinique sont efficaces.

Loin de diminuer l’importance sociale de la médecine, il faudrait l’accroître, et l’accroître énormément.

Ce serait pour le plus grand bien des hommes : et on amoindrirait ainsi considérablement le règne de la douleur.

Prenons une comparaison très simple. Les règlemens administratifs soumettent la vente de la dynamite à de nombreuses formalités ; car cette substance explosive est dangereuse. On ne peut garder un tonneau de dynamite chez soi, ni se promener avec de la dynamite dans sa poche, ni expédier par chemin de fer des cartouches de dynamite. Mais la contagion de la tuberculose est mille fois plus à craindre que l’explosion d’un tonneau de dynamite : car on peut sans peine se garer des explosions de dynamite, et on ne peut guère se préserver de la tuberculose. Et cependant, on laisse librement les tuberculeux errer dans les rues, monter en voiture et en chemin de fer ; infecter leurs vêtemens, leurs mouchoirs ; cracher par terre, sur la voie publique ; habiter avec leurs serviteurs, leurs parens, leurs enfans, dans des maisons qui ne sont jamais désinfectées ; descendre dans les hôtels ; fréquenter les restaurans ; prendre l’air dans les jardins publics et les squares ; aller aux théâtres, aux réunions publiques, aux écoles. On semble oublier qu’ils peuvent semer la mort autour d’eux. Et en réalité, ils sèment la mort.

Quoi ! voilà une affection contagieuse, et on ne sépare pas les gens malades des gens bien portans ! Quoi ! on ne fait aucun effort pour arrêter la dissémination des germes morbides, innombrables,