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s’est soumis. Toutefois des hommes indépendans, et certainement animés d’intentions très droites, se sont demandé s’il ne serait pas possible de sauver quelques-unes des épaves d’un si grand naufrage, et ils ont cru pouvoir se servir pour cela de la loi de 1898 sur les sociétés de secours mutuels. N’était-ce pas une loi de droit commun, et le Pape n’avait-il pas conseillé aux fidèles de se servir du droit commun de leur pays ? La loi de 1898 prévoit deux sortes de sociétés : les unes « approuvées » dont les statuts sont soumis à l’autorité administrative et qui jouissent de certains privilèges, les autres libres qui ont plus d’autonomie, mais une capacité civile moindre. À la Chambre des députés, M. l’abbé Lemire, préoccupé du sort qui attendait les Caisses de retraites ou de secours ecclésiastiques, a cru trouver dans la loi de 1898 un moyen de maintenir à ces caisses leur destination première. Elles avaient été formées par le clergé et par les fidèles : n’était-il pas à souhaiter qu’elles continuassent de subvenir aux besoins des vieux prêtres ? Pour atteindre ce but, il fallait se mettre d’accord avec le gouvernement dont l’opposition devait faire échouer devant la Chambre tous les amendemens qu’il combattrait. M. l’abbé Lemire, s’il en avait été le maître, aurait vraisemblablement préféré recourir à la forme des sociétés Libres ; mais le gouvernement ne reconnaissait qu’aux sociétés « approuvées » la capacité de recevoir les biens des Caisses de retraites et de secours ecclésiastiques. En conséquence, M. l’abbé Lemire a présenté et fait voter un amendement dans ce sens. Tout le monde s’en est félicité, à l’exception des socialistes et des radicaux-socialistes les plus accentués. Il semblait qu’il y eût de la conciliation dans l’air, et que les Caisses des retraites ecclésiastiques étaient sauvées. Mais que dirait Rome ? On ne se l’est pas demandé au premier moment. On espérait d’ailleurs qu’aucune opposition ne viendrait de ce côté, puisqu’il ne s’agissait plus, comme dans le cas des associations cultuelles, de pourvoir à l’exercice du culte, mais seulement à l’entretien personnel de quelques vieux prêtres ?

Bientôt une nouvelle question s’est posée, et il s’est formé autour d’elle un mouvement d’opinion d’une intensité particulière. L’opinion s’était médiocrement émue au sujet des Caisses de retraite ; elle s’est passionnée au contraire pour les fondations de messes, et on a fait honte au gouvernement et au Parlement d’avoir voulu s’emparer de ce qu’on appelait les biens des morts. M. Maurice Barrès, en particulier, a prononcé à ce sujet un discours qui, s’il n’a pas déterminé le vote de la Chambre, a pourtant agi sur elle et encore plus sur le public