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Bugeaud, de son côté, prenait ses mesures pour que le scandale, voulu par le gouvernement, fût complet.

« D’après les instructions secrètes que vous m’avez données, à la date du 23 mars, il sera dressé procès-verbal de la naissance de l’enfant ; cet acte me paraît d’une haute importance, et nous ne saurions l’entourer de trop de précautions, afin de laisser le moins possible, au parti carliste, la ressource des dénégations.

« Il me sera donc adressé, signées par l’un des ministres, des lettres de convocation toutes faites, pour les personnes désignées ci-après :

« Le Président du Tribunal, le Procureur du Roi, le maire, l’adjoint, le commandant de la garde nationale, le marquis de Lamoignon, pair de France, membre du Conseil général, M. Régnier, juge de paix, le sous-préfet, un notaire de Blaye.

« La Cour de Bordeaux sera invitée, quinze jours à l’avance, à déléguer deux de ses membres pour venir assister à l’accouchement. Ces témoins solennels, étant dans le salon, à côté de la chambre de la Duchesse, voici comment je me propose de procéder :

« Les témoins susdésignés donneront à trois d’entre eux la mission de visiter, avec soin, la chambre à coucher de la Duchesse, pour s’assurer qu’il n’existe aucune issue autre que celle qui communique avec le salon ; qu’il n’y a aucun enfant dans sa chambre, et que c’est bien la Duchesse de Berry qui est dans son lit. Cette inspection terminée, les témoins ne quitteront plus le salon jusqu’après l’accouchement.

« L’événement étant arrivé, l’enfant leur sera présenté par les accoucheurs, lesquels déclareront à tous que cet enfant est né de Son Altesse Royale Marie-Caroline-Louise, princesse des Deux-Siciles, Duchesse de Berry. A l’instant, procès-verbal sera dressé.

« Peut-être jugerez-vous à propos de faire intervenir quelques autres témoins qui viendraient de la capitale. D’ailleurs, je me conformerai scrupuleusement à tout ce que vous croirez devoir ajouter aux mesures que je propose[1]. »

Le 5 mai, Bugeaud rebattait, une dernière fois, ses cartes, avec la satisfaction d’un joueur qui s’est donné tous les atouts.

  1. Archives Nationales, F7, 12171, dossier 5, p. 33.