Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 45.djvu/961

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne seraient-ils pas allés au-devant l’an de l’autre et ne se seraient-ils pas tendu la main ? Nous ne rappellerons pas que l’empereur de Russie est le neveu du roi d’Angleterre, car les questions de parenté n’ont pas ici grand’chose à voir. Sir Edward Grey, avec la parfaite loyauté qui caractérise toujours les communications faites par le gouvernement au parlement anglais, a déclaré : « Il est parfaitement exact que cette visite aura un effet politique, et qu’on désire qu’elle ait cet effet. Nous voulons, a-t-il ajouté, qu’elle ait un résultat utile pour les relations des deux pays. » Ce résultat ne peut être que de rendre ces relations plus confiantes et dès lors plus fécondes.

La visite récente que le Président de la République a faite au roi d’Angleterre et celle qu’il doit faire à son tour, au mois de juillet, à l’empereur de Russie, donnent à ces manifestations un caractère plus général. Il est bien évident qu’il y a entente entre les trois pays ; mais ne le savait-on pas, et quelle révélation nouvelle ressort des visites qui ont été faites hier ou qui se feront demain ? N’était-il pas tout naturel qu’à l’exemple de son prédécesseur M. Fallières allât à Londres ? N’était-il pas plus naturel encore qu’il allât visiter l’empereur Nicolas, notre allié ? Il n’y a aucune conséquence particulière à tirer de tout cela : on en aurait tiré, au contraire, de l’abstention de M. le Président de la République si elle s’était prolongée longtemps. Nous dirons d’ailleurs, à l’exemple de sir Edward Grey, qu’il est exact que ces visites doivent avoir un effet politique. Cet effet est avoué très hautement. En ce qui nous concerne, il consiste à resserrer notre entente cordiale avec l’Angleterre et à maintenir dans toute sa force notre alliance avec la Russie : rien de moins, rien de plus.

Il est bien vrai que, depuis quelques années, l’équilibre de l’Europe repose sur des bases plus larges ; mais c’est là un fait rassurant. Nous ne médisons pas de la Triple alliance. Lorsqu’on dit, en Allemagne, qu’elle a eu pour but le maintien de la paix, nous n’avons rien à reprendre à cette allégation : l’événement l’a justifiée. Si la Triple alliance avait voulu la guerre, rien n’aurait pu l’empêcher de la faire, et si elle ne l’a pas faite, c’est évidemment parce qu’elle ne l’a pas voulue. La paix, cependant, pouvait être considérée comme précaire, lorsqu’il dépendait d’un seul groupement de puissances de la maintenir ou de la troubler ; des circonstances récentes l’ont montré ; c’est pourquoi les puissances qui ne faisaient pas partie de ce premier groupement ont cru qu’il serait sage et prudent de leur part d’en former un autre qui y ferait contrepoids. L’habileté suprême de Bismarck avait été d’entretenir entre elles des sujets de discorde,