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pour s’émouvoir quand il s’agit de faire rendre gorge...

La raison du plus fort prévaut seule désormais dans cette lutte entre l’hindouisme et l’islamisme, exploitée par des tiers. La main de fer du terrible Aureng-Zeb ne s’abat plus sur les factieux. La descendance de Timour, condamnée, sans appel, meurt lentement sous les coups des Persans et des Mahrattes. Baladji Badji Rao, ce brahme qui commande avec le titre de Peshwa les chevauchées des Mahrattes, se fait même accepter par le Mogol. Il lui impose et son alliance et une garde de 500 cavaliers. Les barbares n’en avaient pas agi autrement avec Rome.

Déjà les Français, sous Martin, avaient acheté du rajah de Genji, Shere Kan Lodi, le territoire de Pondichéry. Peu après, le Mogol vendait ce même territoire aux Hollandais, qui en expulsaient les Français pour un temps. Les Anglais, acquéreurs du territoire de Madras, s’arrangeaient à grand’peine avec le lieutenant du Mogol, Daoud Khan, qui voulait les évincer. Mais bientôt ces Anglais si humbles, gouvernés par M. Pitt, aïeul du grand William Pitt, vont se mêler aux affaires de l’Inde dravidienne et mettre d’accord les parties en les croquant les unes après les autres.


Genji, 22 septembre 1901.

... Ces explications étaient nécessaires pour l’intelligence du sujet. Elles vous permettent de comprendre ce qu’eurent de réel les malheurs du rajah Desing, malheurs illustrés par la ballade de Genji. Desing refusa de payer le tribut régulier au nawab d’Arcot, Sadatulla-Khan. Si les motifs de ce refus sont donnés tout au long dans la ballade, celle-ci est intéressante pour beaucoup d’autres raisons. Il convient d’y voir un monument typique de cette littérature populaire où se mêlent les tendances islamites et brahmanistes sous les oripeaux pailletés de la grandiloquence persane. À cette littérature de bazar l’enflure iranienne prête quelque qualité sans en augmenter le caractère. A la Perse l’on doit imputer ces exagérations numériques que l’on relève dans la partie guerrière du récit, tandis qu’à la poétique de l’Islam appartient l’importance donnée aux qualités du cheval, et au brahmanisme le respect des rites et la nature des dieux.

Pour grossier qu’il soit, ce poème mérite d’être connu, et c’est grand dommage qu’on ne l’ait pas, à ma connaissance, publié en français, non d’après ces exemplaires imprimés en