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Tindivanam, 23 septembre 1901.

… C’est de Tindivanam que je vous écris, en attendant le train qui me ramènera à Pondichéry vers deux heures du matin. La journée n’a pas été sans fatigue, mais j’ai retrouvé les éléphans de la pagode de Genji. Ils ont bien été achetés par les Djaïnas de Sittamour. Ainsi ai-je pu voir, sinon visiter, — car j’ai dû prendre mes notes du porche où l’on me tint confiné, — un temple djaïna de l’Inde du Sud.

Le soleil se levait que je partais dans une charrette à bœufs, et le Révérend Père Authemard m’escortait, monté sur sa petite jument fauve. Le pauvre Père du désert ne me laisse point partir sans regrets de son ermitage où il me tint fidèle et bienveillante compagnie pendant trois semaines. Mais son devoir l’appelle vers ses chrétiens en détresse, à l’autre bout du district, et ma mauvaise santé m’ordonne de regagner Pondichéry au plus vite. Laissant mes domestiques et mon bagage filer en avant, par la route de Tindivanam, en deux charrettes, avec l’enfant de la pauvre Iroulaire et un catéchumène qui l’accompagne, nous avons pris les sentiers du Nord-Est, qui mènent à Sittamour. C’est une excursion de quelques milles, à travers une plaine aride et désolée comme tous les environs.

Le village de Sittamour ne présente rien de particulier. Dès notre arrivée, les principaux habitans se sont rassemblés, et parmi eux les prêtres djaïnas se faisaient remarquer par leur extrême politesse, A ma prétention de pénétrer dans leur temple, ils ont opposé le refus le plus civilement formel. Mon opiniâtreté tyrannique ne les a pas intimidés.

« Quand le grand collecteur du Sout-Arcot est passé, il y a quelque temps, le temple ne lui a pas été ouvert. Aucun étranger, si considérable soit-il, n’est admis à y pénétrer. Pourquoi vous accorderait-on ce que l’empereur des Indes ne demanderait pas pour lui-même ? Ce temple est à nous. Notre religion nous défend de vous le laisser visiter. »

Ainsi parla le Samiar, grand prêtre en second, et je dus demeurer à la porte de cet édifice vénéré dans lequel le pontife suprême, le Latchimisénabatturaghé Samiar était en train de dire le deuxième office du matin.

Ces Samiars sont, en vérité, de très bonnes gens, que rien, extérieurement, ne distingue des brahmes. Ils n’en ont pas la