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DEUX POÈTES LATINS



I

CATULLE



« Mea Lesbia... »



Lorsqu’il s’en revenait, le soir, de la maison
Où la seule Lesbie effaçait pour lui Rome,
Ivre en cor de la vague et molle déraison
Que la main de la femme épanche au front de l’homme,

Près du Tibre où le ciel éteignait ses couleurs,
Il s’engageait parmi le dédale des rues ;
Des marchandes vendaient aux carrefours des fleurs.
Et les fleurs embaumaient dans les ombres accrues.

Et, las, il défaillait un peu de leurs parfums,
Moins exquis cependant qu’une légère haleine.
Et revoyait des yeux clairs sous des cheveux bruns,
Tandis qu’autour de lui grondait la Ville-Reine.

Et dans son âme alors, comme un vol tournoyant,
Passaient désir, orgueil, tendresse, jalousie...
Puis, parfois, infidèle à peine en souriant,
Et repris par l’ingrate et chère poésie.

Il songeait aux anciens poètes, à tous ceux
Qui jadis, adorant quelque enfant douce et belle,
Avaient déjà voulu tenter l’honneur chanceux
De dire avec des mots la folie éternelle.

Il évoquait les vieux Hellènes, dont les cœurs
Avaient aussi battu d’amour, ses lointains maîtres.
De qui l’art, conquérant leurs farouches vainqueurs,
L’instruisait à polir l’âpre vers des ancêtres.