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Marchant à petits pas dans les sentiers étroits,
Buvant à petits coups, par gorgée, une à une,
Les vins de ces coteaux, un peu gris, un peu froids,
De ces vins qu’on dirait mûris au clair de lune.

Il taillait ses rosiers autour de sa villa.
Et parfois se penchait pour cueillir une rose.
Honneurs, gloire, vraiment que valait tout cela ?
Cette fleur pâle était une moins vaine chose...

Et dans son âme, avec ce vaporeux malin,
Clarté fine déjà, tendre, amicale, humaine.
Se levait lentement, sur l’horizon latin,
Avant le jour français l’aube gallo-romaine.


SILENCE


Silence des murs alentour
De ma seule et petite vie.
Qui semblés, dans l’ombre assoupie,
Monter et baisser tour à tour.

Que me veux-tu, grand cri muet
Que je sens diffus dans l’espace,
Suspendant cette gerbe lasse
Qui tout à l’heure remuait ?

Que m’apportes-tu ? quel conseil
De vie isolée et paisible ?
Ou quel vague et déjà terrible
Echo du suprême sommeil ?

Hôte obscur que j’entends ce soir,
Dans l’air profond qui te balance.
Rôder près de ma somnolence
Comme le vol d’un ange noir,

Que me veux-tu, secret Silence ?