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De sorte que pour un mot, une ligne, une demi-page glissée de temps en temps, il faut que je lise non pas beaucoup, mais pas mal, et que je sache non pas tout, mais certaines choses bien. J’emploierai à cela mes soirées de vacances.

J’ai lu la Vie de Rubens, par Alfred Michiels[1], un critique franco-belge qui ne manque pas de crédit. Il est informé, il sait, mais il reste tout à dire après lui. Je vais lire également les livres de Burger sur la Hollande[2], le meilleur sans contredit des écrivains d’art contemporains. Les extraits que je connais de ses livres me font penser qu’on peut également sans crainte dire son mot après le sien.

Si j’acquiers la certitude que la matière, qui paraît épuisée, demeure encore nouvelle, (ce qui a priori est vrai pour toutes choses), certainement je me risquerai.

Bref, mon voyage m’aura appris qu’il y a là un sujet charmant, probablement nouveau, si l’on a l’esprit de le renouveler, et confirmé dans le désir de tailler ma plume. Seulement je ne crois plus me sentir ni l’entrain, ni cette certaine manière imprévue de voir les choses que je possédais jadis, et j’ai peur, non pas de mon sujet, mais de moi.

Mercredi, 8 heures, 28 juillet. — ... Jeudi (demain) à deux heures, juste à l’heure où je devais partir, — car c’était fixé, — le Roi vient visiter le Musée qu’il n’a pas vu depuis sa réorganisation. Grands branle-bas et préparatifs. Il y est reçu par le Bureau de l’Académie et la commission des Beaux-Arts, auxquels s’adjoindront sur invitation quelques autres personnages.

Gallait et Portaëls, tous les deux de l’Institut de Belgique, avec qui je dînais hier soir, m’ont fait hier porter sur la liste des invitations et m’ont exprimé le désir le plus amical et le plus pressant de m’y voir. Gallait, qui, comme directeur annuel de l’Académie, recevra le Roi, veut me présenter à lui. Après beaucoup de refus de toute nature et non moins d’hésitation, j’ai cru devoir accepter une offre très gracieuse et très flatteuse... Il m’a paru que les motifs que j’aurais pu donner pour m’y soustraire ne pouvaient qu’être assez mal compris ; et j’ai cédé.

  1. Alfred Michiels, né à Rome en 1813 de parens français, mort à Paris en 1892, critique d’art estimé, étudia particulièrement les peintres flamands. L’ouvrage cité par Fromentin est intitulé : Rubens et l’Église d’Anvers (1854).
  2. W. Bürger (Théophile Thoré, 1807-1869), critique d’art, collabora notamment à l’Indépendance Belge, au Siècle et à la Gazette des Beaux-Arts.