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détermina la valeur moyenne d’un terrain sur un ciel, en fixa sur la palette le ton local entre le brun verdâtre et le brun roux, ne craignit pas d’exécuter tout un pays composé de plans divers avec cette seule couleur à peine nuancée, et en fit la base solide, le fond consistant de tous les accidens de lumière, d’ombres et de couleurs que les nécessités du sujet peuvent amener comme une piquante diversité sur ce champ sévère, ce jour-là, Wynants rendit à l’École pittoresque un service considérable. Il faut être peintre pour savoir qu’il y a dans un tableau une clef et un diapason comme en musique. Avant d’accorder les couleurs entre elles, il faut d’abord en trouver le point de départ. L’harmonie d’un tableau peut être juste et résonner de bien des manières. Chaque manière a son effet, son style, sa signification. Le même accord peut être haussé sans y perdre sa justesse. Mais, de même qu’en musique, il n’est point indifférent pour le sens de l’idée, pour le caractère de l’œuvre, que l’œuvre soit écrite plus haut ou plus bas. Les peintres me comprendront quand je dirai que de nos jours, si pauvrement instruits que nous sommes, on tâtonne longtemps, on hésite, avant de savoir dans quelle gamme on doit entamer l’exécution d’un morceau de peinture ; qu’on va souvient cherchant à tous les coins de la palette la valeur initiale, celle qui doit déterminer toutes les autres ; que presque toujours on se trompe pendant le travail, que presque toujours on constate après qu’on s’est trompé, — jusqu’à la fin.

Cette misère qui n’a l’air de rien, peindre en trop fort ou en trop clair, en trop mat, ou en trop coloré, fait le supplice de bien des gens ; c’est là l’écueil ; et que de bons tableaux y font naufrage, au moment critique qui suit l’ébauche ! Un rien peut les perdre, un rien peut les sauver. Souvent le hasard seul en décide ; et jugez ce que peut le hasard dans les œuvres de la réflexion.

Le hasard n’entre pour rien dans la méthode savante et raisonnée que Wynants eut l’honneur d’inaugurer. On le voit à la certitude du travail, à la limpidité de la matière, à l’entière liberté de l’esprit, de l’œil et de la main, à l’unique cohésion de tous les élémens dont se compose une exécution sûre, apprise, exempte d’erreurs. On le voit surtout à l’unité du principe qui régit toutes les œuvres, à leur exacte ressemblance sur certains points, et d’abord à ce diapason sourd et puissant, à ce médium