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ouvrage qui devait venir plus tard, et où M. Boissier décrivit la pénétration réciproque du christianisme et de la société profane[1] ? Puis, sentant que certaines de ses affirmations antérieures avaient besoin qu’il les reprît, soit pour les corriger, soit pour les défendre contre des objections nouvelles, il revint bravement sur quelques-uns des sujets qu’il avait traités[2] : peut-être la comparaison entre son Tacite et son Opposition sous les Césars, ou entre la Conjuration de Catilina et Cicéron et ses amis, serait-elle le plus sûr moyen de mesurer son admirable probité d’historien, son application à préciser ou à nuancer une opinion déjà émise, son habileté à tirer parti de tout le travail scientifique accompli en France ou en Allemagne pendant trente ou quarante ans. Entre temps, M. Boissier se reposait de ses leçons et de ses écrits par des voyages ; mais comme il lui était impossible, en voyageant, de cesser d’observer et de réfléchir, impossible aussi de garder jalousement pour lui ce qu’il avait vu et pensé, ses impressions de voyageur se transformaient en exposés, aussi pittoresques que documentés, des découvertes et des problèmes de l’archéologie romaine[3].

Le rapprochement de ces divers ouvrages ne permet pas seulement d’en voir l’enchaînement mutuel, il en montre aussi le progrès. Ce progrès a consisté surtout, semble-t-il, en une composition plus serrée et plus forte. Des esprits malveillans ont quelquefois prétendu que les livres de M. Boissier manquaient un peu de cohésion, que ce n’étaient guère que des recueils factices d’articles soudés après coup ; je ne sais plus qui les comparait à des continens faits d’îles. Le mot était joli : était-il juste ? Il y aurait lieu de distinguer. Laissons de côté l’Attius et le Varron, qui sont des monographies. Le reproche pourrait, jusqu’à un certain point, s’appliquer à Cicéron et ses amis : mais est-ce sur l’auteur qu’il devrait tomber, ou sur le sujet ? Était-il possible de rattacher étroitement à un seul centre le tableau d’une époque aussi agitée et aussi incohérente ? Le moyen d’en donner une idée exacte était d’en peindre, comme M. Boissier le fit, des parties bien choisies, ici le camp de César dans les Gaules, là les vainqueurs et les vaincus après Pharsale,

  1. La fin du paganisme, 1891.
  2. Tacite, 1903. — La conjuration de Catilina, 1905.
  3. Promenades archéologiques, 1880. — Nouvelles promenades archéologiques, 1886. — L’Afrique romaine, 1895.