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M. Taft avait gagné la première manche. Il perdit la seconde, une fois rentré à Manille, avec Mgr Chapelle, archevêque de la Nouvelle-Orléans et délégué apostolique, qui ne put s’accorder avec lui. La « belle » lui resta. Car, Mgr Guidi ayant succédé à Mgr Chapelle, l’entente finit par s’établir : rachat des terres pour 35 millions de francs, disparition progressive des congréganistes espagnols. Pour un début, et un début au Vatican, le négociateur américain n’avait rien à regretter : il avait conquis ses éperons.

Depuis lors, M. Taft a eu d’autres occasions de faire de la diplomatie. En octobre 1904, M. Roosevelt l’a envoyé à Panama pour rassurer la nouvelle république sur les intentions des États-Unis. En septembre 1906, il l’a envoyé à Cuba, pour y présider au rétablissement de l’ordre. N’ayant pas réussi à mettre d’accord le président Palma et ses adversaires, M. Taft a proclamé un gouvernement provisoire, qui, depuis lors, a fonctionné sans trouble. Déjà au mois d’avril 1905, M. Roosevelt, partant pour une tournée de chasses au moment des incidens de Saint-Domingue, avait confié à M. Taft l’intérim du secrétariat d’Etat, dont le titulaire était alors le regretté John Hay, et il avait dit :

— J’ai laissé Taft solidement assis sur le couvercle, gardant le statu quo à Saint-Domingue et maintenant partout ailleurs les choses dans la bonne voie. Quant à moi, je m’en vais me reposer sous le ciel bleu de Dieu.

A Cuba, M. Taft tint « le couvercle » aussi solidement qu’à Saint-Domingue et, opportuniste comme à Manille, il déclara qu’il continuerait aussi longtemps qu’il le faudrait « pour restaurer l'ordre, la paix et la confiance, et pour faire les élections. » En trois semaines, il avait organisé un état de choses transitoire, « une paix de sa fabrication, » qui a duré et dont la direction a été confiée, depuis, à M. Charles E. Magoon. En avril 1907, M. Taft disait : « Après qu’un recensement aura été fait, des élections municipales et probablement provinciales auront lieu. Ces élections permettront d’expérimenter les nouvelles lois électorales. Les élections générales pour un président, un vice-président et les membres du Congrès se feront plus tard. » La méthode, comme on voit, restait la même, et, pour résoudre les questions, M. Taft commençait par les sérier.

A-t-il résolu la question japonaise ? Il serait téméraire de l’affirmer. Du moins, il a contribué à l’apaiser. M. Taft est allé