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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/407

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Donc voici notre professionnelle, savante en son art ou en son métier, qui se trouve placée en un emploi. Mais il y faut lui assurer la sécurité et faire en sorte qu’elle n’y soit pas inquiétée dans la tranquille jouissance de ce qu’elle aura conquis. Ce sera l’objet du conseil judiciaire qui doit être attaché à tout syndicat. Combien de femmes isolées et sans défense dans l’existence se trouvent exploitées par le seul fait qu’elles ignorent le premier mot de la conduite à tenir en cas de contestation concernant, par exemple, leur travail et leur salaire ! Un avocat, au moins, prêtant ses conseils à l’association professionnelle, est indispensable pour la protection légale des intérêts des travailleuses.

Est-ce tout ? non : pour le placement des syndiquées, pour l’accroissement de leur valeur professionnelle au moyen de la diffusion de l’enseignement, pour la publicité à donner à de nombreuses questions qui les intéressent, un organe professionnel est nécessaire. Qu’un syndicat atteigne seulement quelques centaines de membres et même un moins grand nombre d’adhérentes, une feuille hebdomadaire ou mensuelle devient indispensable pour mettre au courant les intéressées aussi bien de la vie du syndicat lui-même que des questions générales qui concernent la profession


V

Le second but du syndicat est le but économique. Il ne s’agit point ici de reprendre les doléances sur la condition navrante de la femme dans certaines professions. D’éminens spécialistes, et notamment M. le comte d’Haussonville dans son ouvrage si instructif : Salaires et misères des femmes, se sont occupés de la question. On nous a expliqué, avec preuves à l’appui, que la douzaine de chemises était payée aux ouvrières à des prix de famine et que maintes d’entre elles, en travaillant quatorze heures par jour, n’arrivaient pas à gagner le montant d’un repas. Les méfaits du sweating-system sont dès longtemps connus. Le budget, en particulier, de la petite ouvrière parisienne a été scruté dans ses détails. On a prouvé que son salaire était un salaire de honte pour notre civilisation et qu’il était le précurseur ou la cause fatale de la chute où, un jour, le chômage, l’isolement, la misère ne manqueront pas d’entraîner la malheureuse victime. Il faut donc améliorer le bien-être de la jeune fille et de