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Chambre en augmentant. Enfin, il y a quelques semaines, le Shah a quitté Téhéran et a réuni des forces militaires autour de lui : on a pu comprendre que quelque chose se préparait, d’autant plus que Mohammet-Ali, à qui le parlement avait envoyé une députation, lui a déclaré fièrement qu’il ne permettrait pas qu’on lui enlevât sans l’intervention de l’épée ce que l’épée de ses pères avait conquis. Des troupes sont entrées à Téhéran et une canonnade assez vigoureuse a été tirée contre le Palais du parlement. Il y a eu des morts et des blessés. Le Shah est resté maître du terrain, du moins dans la capitale ; mais l’insurrection continue sur certains points du pays, et il faudra quelque temps pour que le calme revienne, s’il doit revenir. Le Shah affirme qu’il en voulait aux révolutionnaires, mais non pas à la Constitution : il respectera celle-ci, il fera élire une nouvelle Chambre des députés, qui, instruite par l’exemple de sa devancière, se montrera vraisemblablement plus sage ; enfin il sera lui-même un souverain constitutionnel et libéral. L’avenir montrera ce qu’il faut en penser.

Il est heureux que les événemens de Perse aient été postérieurs à l’entente qui s’est faite entre la Russie et l’Angleterre, — sans quoi la vieille rivalité des deux pays y aurait trouvé de faciles prétextes à des intrigues qui auraient pu avoir leur contre-coup en dehors de l’Asie. Cette réflexion est venue à l’esprit de tout le monde. On n’était toutefois pas bien sûr, au premier moment, que les faits ne viendraient pas la contredire : il n’en a rien été, et la crise que traverse la Perse n’ayant porté aucune atteinte au bon accord des deux pays, en a montré la solidité. Il est aujourd’hui très probable que les désordres de Perse n’auront pas de répercussion ailleurs ; mais la Perse elle-même aura quelque peine à s’en relever. La répression a été cruelle ; le pays est frémissant ; les puissances restent neutres, mais non pas indifférentes. L’Angleterre exige des excuses pour les démonstrations hostiles qui se sont produites autour de sa légation. Quant au souverain, il est encore difficile de savoir quel est son véritable caractère, et le fond qu’on peut faire sur lui.

Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
Francis Charmes.