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socialiste parlementaire, qui a une autre origine et d’autres conceptions, ne voit pas sans vif regret et sans alarme pour sa situation propre et son propre avenir sa concurrence et l’ascendant qu’elle prend de plus en plus non seulement sur les groupemens ouvriers, mais, on vient de le voir, sur les employés publics ; il est inquiet aussi des méthodes qu’elle préconise et qu’elle suit, pour lesquelles lui-même a une moindre aptitude. Il craint, néanmoins, de rompre avec elle, parce qu’elle est arrivée à dominer les « militans » et les « travailleurs consciens. » Un des chefs, toutefois, et le plus doctrinaire du socialisme parlementaire, M. Jules Guesde, a bafoué sans merci la méthode uniquement violente de la Confédération générale du Travail : « Je voudrais seulement qu’on m’expliquât, dit-il, comment casser des réverbères, éventrer des soldats, brûler des usines, peut constituer un moyen de transformer la propriété ; il faudrait en finir avec toute cette logomachie prétendue révolutionnaire. Aucune action corporative, si violente soit-elle, grève partielle ou grève générale, ne saurait transformer la propriété. » Et M. Jules Guesde revendique, de préférence, sinon exclusivement, l’action politique qui prend diverses formes : « A ceux qui vont clamant que l’action politique, préconisée par le Parti (socialiste), se réduit à la fabrication de députés, vous opposerez un formel démenti. Ce n’est pas la fabrication des lois, c’est la mainmise par la classe ouvrière sur l’usine aux lois ; c’est l’expropriation politique de la bourgeoisie, permettant seule son expropriation économique[1]. » Le livre de M. Mermeix, sur Le Syndicalisme contre le Socialisme, est plein des discussions entre ces deux frères concurrens, sinon ennemis, le parti socialiste parlementaire et le syndicalisme, représenté, concentré et dirigé par la Confédération générale du Travail.

Celle-ci, si elle n’est qu’une très médiocre puissance constructive, possède une force offensive considérable. Elle professe, d’ailleurs, un mépris aussi grand de la majorité que de légalité : le suffrage universel n’a que ses dédains. Une des épithètes méprisantes qu’elle prodigue, c’est celle de « majoritard ; » elle s’élève à tout propos contre la « superstition majoritaire. » Elle n’attend rien que de l’action incessante d’une minorité systématiquement violente et audacieuse. Les ouvriers ou anciens

  1. Mermeix, op. cit.. p. 242 et 243.