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« platitudes humanitaires. » Elle devient pacifiste à l’intérieur, cherchant, par des concessions indéfinies, à se faire pardonner son ancienne puissance. « La bourgeoisie se laisse facilement dépouiller. » Elle n’a plus le sentiment de sa force et de son importance ; il semble qu’elle n’ait plus foi en elle-même et en sa mission. Il y a à ce sujet, chez M. Sorel, d’excellentes pages. Possible ou non pratiquement, la grève générale amènera l’effondrement définitif de cette classe décadente et mettra toute la production aux mains des syndicats. Ceux-ci ensuite se tireront d’affaire, on ne nous dit pas comment.


IV

Il nous a paru intéressant, après avoir décrit la rude tâche pratique des chefs du syndicalisme et de la Confédération générale du Travail, de placer en regard les idées de leur apologiste, homme de science et de bonnes lettres, le théoricien récent de la violence.

Prise entre les socialistes parlementaires qui, avec la connivence du gouvernement, font voter les lois les plus nuisibles, les plus hostiles à la production, à l’essor économique, et les syndicalistes qui, à défaut de la grève générale, propagent, entretiennent les grèves particulières et les méthodes de sabotage, la société moderne est, certes, en grand danger et très compromise. Nous ne croyons pas qu’elle soit en péril de catastrophe soudaine ; mais le découragement qu’engendre l’instabilité peut amener l’anémie, l’étiolement, et, en quelques dizaines d’années, en deux ou trois générations, un appauvrissement général. C’est une éventualité qui devient sérieuse.

On peut écarter cette triste issue, qui, dans les circonstances présentes, serait quasi fatale, de la civilisation moderne. Mais il n’est que temps de revenir à une meilleure hygiène sociale, à la conception des conditions essentielles du fonctionnement et du développement des sociétés. Il importe d’organiser une résistance efficace aux assauts des deux ennemis de la liberté et du progrès, le socialisme politicien ou parlementaire et le syndicalisme révolutionnaire. L’un et l’autre sont à redouter ; le premier, toutefois, davantage à notre sens. En ce qui concerne le syndicalisme, il importe de le faire rentrer, sans délai, dans la sphère d’action qu’avait fixée le législateur et de l’y contenir.