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la triste situation de la Macédoine. On a nommé un haut commissaire, qui s’est trouvé être un homme intelligent et animé de bonnes intentions : il a fait de son mieux pour établir un peu d’ordre et de justice en Macédoine et y a partiellement, mais très partiellement réussi. On a organisé une gendarmerie, qui a fait œuvre utile, mais j très incomplète aussi. Chacune des principales nations européennes a une zone d’action soumise à sa surveillance. Les résultats ont été appréciables, mais fort insuffisans, et les traits principaux du tableau sont toujours ceux que nous avons brièvement rappelés.

Les choses en étaient là lorsque la situation politique de l’Europe, en ce qui concerne les Balkans, s’est modifiée. Depuis une dizaine d’années, les autres puissances, reconnaissant que la Russie et l’Autriche-Hongrie avaient des intérêts plus directs et plus immédiats dans les affaires balkaniques, s’en étaient remises à elles du soin de préparer les projets à appliquer, avec le consentement du Sultan, à une province particulièrement déshéritée. La Russie et l’Autriche avaient conclu entre elles un arrangement qui, en ce qui concerne la Macédoine, tendait à l’amélioration du statu quo dont les bases poétiques étaient maintenues, et qui, en ce qui concerne les deux puissances elles-mêmes, ressemblait un peu à ce qu’on appelle un protocole de désintéressement. C’est de l’entente de l’Autriche et de la Russie que sont sorties les quelques réformes dont nous avons parlé plus haut. Nul ne songeait en Europe à leur enlever l’espèce de mandat qu’elles remplissaient ; elles auraient pu sans doute le conserver longtemps ; mais, un dissentiment s’étant produit entre elles de la manière la plus inopinée, la Russie s’est détachée de l’Autriche et a cessé de combiner avec elle les solutions à apporter aux affaires macédoniennes. Elle a préféré se tourner du côté de l’Angleterre, qu’elle jugeait sans doute plus désintéressée, et c’est, dans ces derniers temps, avec Londres qu’on s’est entendu à Saint-Pétersbourg. Personne assurément n’aurait accordé le moindre crédit à celui qui, il y a un an, aurait annoncé cette nouvelle orientation de la Russie dans les questions orientales ; mais tout arrive : il suffit d’attendre et de profiter des circonstances ; c’est ce qu’on a fait à Londres avec beaucoup d’habileté. Comment ne pas admirer, en passant, la bonne fortune de l’Angleterre qui, par l’effet de contre-coups qu’elle n’avait ni préparés, ni prévus, a vu se grouper solidement autour d’elle des gouvernemens qui, il n’y a pas longtemps encore, en étaient plutôt éloignés ? Nous n’avons d’ailleurs, pour notre compte, qu’à nous en féliciter.

Ce rapprochement de l’Angleterre et de la Russie a fait naître deux