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1871
A Madame de Lavergne.


Val-Richer, 18 février 1871.

Je suis charmé, madame, que M. de Lavergne ait été élu dans la Creuse et qu’il ait accepté et qu’il soit arrivé à Bordeaux.

Tout souffrant qu’il est, je suis convaincu que sa conversation et ses conseils y seront très utiles. Il y aura là un groupe de mes anciens amis, mon gendre Cornélis, M. Vitet, Moulin, de Goulard, etc., qui font grand cas de ses idées et sur qui il exerce une très bonne influence.

J’espère un peu que sa santé, au lieu d’en souffrir, se trouvera bien de cet exercice intellectuel et qu’il pourra m’écrire quelquefois ce qu’il pense de ce qu’il voit et de ce qui se fait autour de lui. La situation est bien difficile, bien obscure, mais je me persuade qu’il n’est pas impossible d’en tirer un bon parti et de remettre à flots notre pauvre patrie.

Si M. de Lavergne ne peut pas écrire, veuillez, madame, le suppléer pour moi, et agréez mon bien affectueux respect.


Val-Richer, 9 avril 1871.

Mon cher confrère,

Votre douloureuse impotence me désole pour vous et pour notre cause. Vous seriez de si bon conseil si vous pouviez parler et agir. N’éprouvez-vous aucun soulagement depuis que vous êtes à Versailles ? Au moins, vous n’aurez plus aucun grand voyage à faire, vous ne vous déplacerez plus que pour rentrer à Paris. Tout indique que vous y rentrerez bientôt.

Thiers et l’Assemblée ont eu raison d’être patiens, très patiens. Le jour de l’action énergique est venu, et le succès commence. On fait ce qui fera le reste. J’attends chaque jour des nouvelles avec la double impatience de l’inquiétude et de l’espérance, en attendant, je songe :


Car que faire en un gîte à moins que l’on ne songe ?


Des deux gouvernemens qui pourraient porter remède à notre mal, je sais bien lequel serait le plus efficace ; mais je ne sais pas lequel des deux est le moins impossible.