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les filles, ce qui encouragera « même les plus huppées à se mettre à couvert jusque-là en cette honorable retraite. » Et si l’on ne peut leur promettre de « riches hommes » — qui, cependant, observe Portmorand, devraient être trop heureux de trouver là des épouses laborieuses et vertueuses, — on les pourra marier aux maîtres laïques formés dans la maison. Établies à la campagne, elles instruiraient les filles, tandis que leurs maris instruiraient les garçons.

Ainsi les « Maisons Saint-Joseph » seront des écoles et collèges élémentaires, — des maisons de correction, — des écoles normales pour les deux sexes, — des maisons de retraite, — des hôtelleries, — des bureaux de placement, — des bureaux d’assistance, — même des agences de mariage, au moins de mariages pédagogiques. Bizarre conception, mais qui montre assez bien les multiples idées qui pouvaient germer dans l’âme d’un disciple un peu échauffé de la Compagnie du Saint Sacrement. Ce rêve d’une maison unique, propre à satisfaire chrétiennement tant de besoins sociaux, était, en somme, la traduction naïve de ce désir d’omniprésence et d’universelle action de l’ambitieuse Société. Ces « saintes familles, » maisons à toutes fins et à tous usages, c’étaient les communautés religieuses, les « maisons du peuple » catholiques, que les Renty, les Duplessis-Montbard, « le Bon Henri » Busch voulaient multiplier dans la cité chrétienne.

Malheureusement, à l’exposition de ces vues, Portmorand mêlait autre chose dans le livre qu’il eut la malencontreuse idée de publier. D’abord, il y tonnait contre la société contemporaine avec une maladresse bruyante, que sa récente fièvre chaude pouvait seule excuser. Ni la Régente, ni Mazarin, ne pouvaient être flattés de voir leur protégé dénoncer les embarras de leur gouvernement et les discordes politiques du temps, comme des marques de la vengeance du ciel sur un royaume « avili jusqu’au-dessous des bêtes brutes. » C’était d’un peu habile prophète de proclamer que le succès de la « Famille chrétienne » devait se produire « par une voie sanglante » et qu’il fallait « que les pères et les mères, frappés par le bras de Dieu, cédassent la place à une nouvelle génération toute divine. » Et à déclarer fièrement qu’il n’y avait pas eu jusqu’alors « d’écoles qui aient l’esprit de Dieu, » Portmorand semblait méconnaître les entreprises et les services des Vincent de Paul, des Tranchot, des Démia. Cinq ans plus tôt, dans le faubourg