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pour son livre, non pour son œuvre, que la Compagnie déclare qu’elle l’exclut provisoirement. De plus, elle ne lui tint pas longtemps rigueur. Dès le 17 décembre, Paris s’empresse de faire savoir aux Marseillais que

leurs confrères d’Orléans (les) assurent de la bonne et sainte résolution qu’a prise M. l’abbé de Portmorand de se soumettre entièrement aux sentimens de l’Église, de se rétracter de tout ce qu’il a dit et écrit au contraire de faire pénitence dans la retraite et de subir pour cet effet la juridiction de Mgr d’Orléans, son évêque diocésain. Nous vous demandons en sa faveur, pour le fortifier en un si pieux dessein, l’aide et la continuation de vos bonnes prières.


Évidemment, en effet, ce membre de la Compagnie était un élève plein de bonne volonté, sinon d’intelligence. Dès ses débuts, il avait bien mérité d’elle en combattant à sa naissance ce Jansénisme que la Compagnie du Saint Sacrement, nous le verrons, détestait. Parmi ses conceptions ultérieures, il y en avait plus d’une, on a pu le remarquer au passage, que la Compagnie partageait, et que, sans doute, il avait puisées dans le pieux échange d’idées du jeudi, et dans le caractère complexe de l’établissement par lui décrit et essayé, la propagande du Saint Sacrement pouvait reconnaître, avec indulgence, sa propre ambition, illimitée et multiforme. Il lui manquait la prudence. Il avait voulu opérer trop hâtivement cette « régénération » totale de la société que la Compagnie souhaitait autant que lui. Et surtout, il lui manquait la discrétion. Malgré les conseils de ses sages confrères, il avait publié son dessein. C’était un agent fervent, mais trop bavard. Il avait le feu sacré, il n’avait pas « l’esprit. »


V. — LE SECRET

Car l’esprit de la Compagnie, c’était, essentiellement, le secret. Là-dessus, le doute n’est pas permis, même en faisant, comme nous l’avons déjà fait, ici même, les réserves convenables.

On peut accorder, par exemple, qu’à l’égard des évêques, ce secret n’était pas de règle absolue, ni de pratique constante. Les statuts de la Compagnie l’autorisaient à admettre des « prélats. » Et elle y était bien forcée, dès là qu’elle admettait des ecclésiastiques : elle ne pouvait empêcher ses membres abbés de devenir évêques. De plus, lors même que les chefs des diocèses ne lui avaient pas été, précédemment, affiliés, il n’était pas partout et