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impopulaires et font peur et horreur à la masse et ruinent le commerce en inquiétant les esprits. Il y a bien de l’espoir que ceci tiendra.


Dimanche, 26 septembre 1830, Paris[1].

Je pars aujourd’hui après la messe.

J’ai terminé ce matin les séances avec Gérard. Le portrait est de toute perfection, son plus bel ouvrage en ce genre sans contredit : beau, naturel, poétique, et ressemblant ! Il va le laisser sécher, finir le costume, puis vernir et exposer au Salon prochain.

Les choses politiques ne vont pas très mal au fond : les apparences sont pires que les réalités. L’esprit public est universellement excellent, sage, ennemi des excès, épouvanté des folies, et le gouvernement est faible, voilà tout. Les Clubs qu’il n’ose attaquer ne pourront résister à l’horreur qu’ils inspirent dans toutes les classes. Adieu. Mille tendresses.


Je ne dirai pas que cette démission, donnée avec tant d’élégance, fut pour Lamartine le plus beau jour de sa vie ; mais on voit assez qu’il fut enchanté de lui-même… Quelques mois plus tard, on parla de l’élever à la pairie. Cette solution ne lui aurait pas déplu. J’en trouve la preuve dans deux lettres écrites au mois de janvier 1831, de Dijon, où le poète se trouvait, occupé à la vente de sa terre de Montculot, — cette belle terre qu’il avait tant souhaité de garder ! « On parle plus que jamais d’une pairie pour moi dans mes lettres. Je n’y conçois rien. M. Laine m’écrit dans deux jours à ce sujet. » Et un peu plus tard : « La pairie ne peut être qu’une plaisanterie pour le moment, mais on y a pensé. Donc plus tard cela viendra[2]. » Ce n’avait été qu’un vague projet, une idée en l’air : il n’en fut plus question.


LE PREMIER PAS VERS LA POLITIQUE

Ce que Lamartine n’avait pas prévu, c’était l’énorme ébranlement cérébral qui allait être pour lui, comme pour toute la France, le contre-coup des événemens de Juillet. La violence de la secousse l’a remué tout entier, et, dissipant les opinions de famille ou de milieu qui étaient à la surface, elle a fait affleurer d’autres idées qui sont les idées personnelles de l’homme et qui depuis longtemps s’élaboraient au fond de sa conscience. Le fils

  1. Mme Alphonse de Lamartine, à Mâcon.
  2. A Mme de Lamartine, à Mâcon, 22 et 27 janvier 1831. — Cf. dans les Lettres à Lamartine une lettre de M. Lainé, du 27 janvier.