Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/894

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

heure. Remonté à cheval… » Mais ces notes reparaissent telles quelles dans le Voyage : Lamartine n’a pas pris la peine de les mettre en style courant. Aux feuillets suivans la rédaction reprend ; puis on ne trouve plus que des indications sommaires. Qu’est-ce à dire ? sinon que Lamartine s’est borné à recopier sa première rédaction en y apportant de légères retouches, et à remplir, d’après les indications prises sur place, les parties laissées en blanc. Ce sont donc bien les notes rédigées « à l’ombre d’un palmier ou sous les ruines d’un monument du désert. » Le manuscrit une fois envoyé à l’éditeur, il s’en est désintéressé : quand il reçoit ce livre « qu’il n’a pas lu, » il tremble en songeant à ce qu’il y va trouver.

Prenons-y bien garde ! Nous sommes en train de verser à fond dans un excès qui n’a pour lui que d’être au rebours de celui d’hier. Longtemps, et sur la foi de Lamartine, on a tenu chacune de ses œuvres pour improvisée. Puis on a constaté des retouches, on a retrouvé des variantes : j’en ai moi-même fourni pour les Harmonies et pour l’Ode au peuple. De là un revirement. Demain on fera passer Lamartine pour le plus laborieux des poètes et pour un prosateur patient. Quelle faute de mesure ! Dans le cas de sa relation de voyage, il est trop aisé de le voir, Lamartine s’est borné à une rédaction hâtive, recopiant pour les allonger des notes qui d’abord n’étaient pas destinées au public, mais d’où il avait réfléchi qu’on pouvait tirer de l’argent. Et c’est bien pourquoi le Voyage en Orient est, parmi les écrits de Lamartine, un des plus faibles…


LA MORT DE JULIA

A travers les lettres du voyageur, écrites pendant ce mois d’absence, une préoccupation se fait constamment jour, une inquiétude qui n’était que trop justifiée. Un souci le hante : celui de la santé de sa fille. Certes, il semble que ce fut une grave imprudence de l’emmener. Les avertissemens, depuis plus d’un an, s’étaient multipliés. D’une lettre inédite adressée de Dijon à Mme de Lamartine, au mois de janvier 1831, je détache ce passage si poignant : « Soigne bien toi et Julia. Décidément, pour son état tu la fais trop travailler, surtout de suite. Je te conjure de changer de conduite à cet égard. Nous nous en repentirions. Quand tout le physique d’une enfant travaille à la croissance et