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Sultan, les ministres, les Chambres. C’est à ce moment-là que se produiront les grands conflits d’influences et que le Sultan trouvera peut-être des occasions favorables pour reprendre peu à peu, avec des méthodes nouvelles et en se conformant à la lettre et à l’esprit des institutions libérales, l’exercice effectif de la souveraineté.


V

L’absolutisme, s’il tentait un retour ofl"en3if, ne trouverait pas d’appui dans le clergé musulman ; le cheikh-ul-islam, les imans, les softas, les hodjas ont été parmi les plus ardens zélateurs des idées libérales. Rien ne blesse davantage l’amour-propre national des musulmans que de lire, trop souvent, dans nos journaux, des phrases toutes faites sur le « fanatisme » musulman ; nous attribuons souvent, à tort, à l’Islam ce qui ne lui est pas particulier ou ce qui n’appartient qu’à quelques peuples musulmans. La Constitution turque n’a rien à craindre de ce légendaire « fanatisme. » Ce qui est conforme aux principes du droit canonique musulman, extraits du Coran et développés par les commentateurs, ce n’est pas l’absolutisme d’un seul, mais la liberté, l’égalité, la tolérance et la charité envers les fidèles des autres religions. Un spécialiste, auquel l’étude approfondie du droit musulman a inspiré d’ardentes sympathies pour le peuple ottoman, le comte Léon Ostrorog, le rappelait récemment dans un journal français de Constantinople, le Stamboul. Les docteurs de la loi islamique, comme nos grands canonistes chrétiens du moyen âge, ont tiré de leurs livres saints « toute une conception intégrale du monde et de la vie. » « Quand on ouvre leurs traités, écrit le comte Ostrorog, on constate ceci : quelque huit cents ans avant Rousseau, les Encyclopédistes et la Révolution française, ils avaient nettement posé, en termes exprès, la théorie des « Droits de l’homme, » la théorie de la liberté, de l’inviolabilité de la personne, de l’inviolabilité du domicile ; ils avaient posé le principe qu’il n’est dû obéissance qu’à la loi et que le pouvoir du gouvernement n’est légitime qu’en tant qu’il tient la main à l’application de la loi ; bien avant les États d’Aragon, ils avaient prononcé les graves paroles : « Sinon, non ! » ils avaient condamné, prohibé le pouvoir despotique comme contraire à la volonté