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éplucher. Leur initiative détermina le jeune professeur Lujo Brentano, de Wurzbourg, à rédiger une série de remarques dont la plupart militaient contre l’opportunité, et dont quelques-unes pouvaient être facilement exploitées par les négateurs mêmes de l’infaillibilité papale. Heinrich et Ketteler ne présentaient point l’avis de Brentano comme un oracle, mais comme un document ; et ce qu’à Mayence on voulait prouver, c’est qu’avant toute définition une « grande vigilance, un sérieux travail de critique » était nécessaire. Si les hommes de Mayence eussent été les intransigeans que dénonçait l’école de Munich, ils auraient tout de suite, par réaction même contre les pamphlets qui s’imprimaient en Bavière, rompu des lances pour l’infaillibilité ; mais ce rôle de polémistes n’était point de leur goût, et dans le spectacle même de leurs hésitations, de leurs oscillations, de leurs scrupules et de leurs recherches, apparaît l’altière et grave idée qu’ils se faisaient du concile.

Le premier septembre, dix-sept membres de l’épiscopat, dont un, Hefele, n’était pas encore consacré, se réunirent à Fulda, près du tombeau de saint Boniface ; trois autres évêques étaient représentés. On parla du concile. Trois membres furent désignés, pour dresser la liste de certains désirs qu’au nom de l’Église d’Allemagne il conviendrait d’y présenter. Mais c’est de l’infaillibilité, surtout, que l’on s’occupa. Ketteler parla d’après quelques notes, griffonnées par Heinrich.


Si la question de l’infaillibilité se pose, expliqua-t-il, il sera presque aussi inopportun de la repousser sommairement que de la promulguer sommairement ; mais les évêques doivent se mettre d’accord, pour décider qu’on fera des recherches approfondies, d’après toutes les exigences de la critique scientifique, sur les preuves traditionnelles de l’infaillibilité, qu’on donnera aux adversaires toute liberté de dire complètement leur avis, et que les décisions du concile s’exprimeront, non pas seulement en formules négatives, intelligibles pour les seuls théologiens, mais en formules positives, compréhensibles et acceptables pour tous les hommes de bonne volonté.


Quelques auditeurs objectèrent que de pareilles décisions, qui concernaient la méthode de travail du concile, n’étaient pas de leur compétence. Hefele, le nouvel évêque de Rottenburg, intervint d’une façon plus décisive : seul sans doute parmi tous ces prélats, il était hostile à l’idée même d’infaillibilité, et soucieux, dès lors, d’éviter à ce sujet tous débats conciliaires. Sa parole fit impression : il avait l’ascendant naturel d’un prêtre