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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/387

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Les besogneux, qui n’avaient d’autre bien que leur diplôme, se résignaient pour le monnayer à de louches abonnemens avec les procureurs, dont ils plaidaient les causes à prix fixe. Dans les sièges subalternes, ils se faisaient procureurs eux-mêmes et cumulaient les deux emplois, comme les avoués actuels de quelques-uns de nos tribunaux de première instance. En France, aujourd’hui, l’avoué fait parfois encore à l’avocat l’avance de ses honoraires, tandis qu’en Belgique c’est le contraire : l’avocat fait souvent à l’avoué l’avance des frais du procès.

Ces honoraires, jusqu’au commencement du XVIIIe siècle où, par un point d’honneur particulier à notre pays, l’usage s’introduisit de ne plus les réclamer en justice, l’avocat pouvait intenter une action pour en obtenir le paiement. Plus volontiers il se faisait payer d’avance : « Il faut, dit Furetière, au moindre avocat pour voir vos actes une pistole, — 36 francs, — en entrant à son cabinet et l’autre à la sortie, et plus vous faites le pauvre, plus vous reculez vos expéditions. » Il y avait des consultations de 150 à 200 francs à Paris, il y en avait de 12 francs en province ; mais à Paris comme en province la moyenne était beaucoup plus près de 12 francs que de 150.

L’étudiant riche, après avoir reçu le bonnet de docteur, de dix-huit à vingt et un ans, quelquefois plus jeune encore, — Me Jacques Corbin, avocat à treize ans après avoir passé ses examens de droit à douze, faisait à quatorze ans son premier plaidoyer, — s’occupe de trouver un office à sa convenance dans le sein du présidial ou du Parlement. D’autres portent la robe et le bonnet sans jamais paraître à la barre, si ce n’est pour prêter le serment de « garder les ordonnances, » et les gardent d’autant mieux qu’ils n’ont pas l’occasion de les transgresser. Piliers de palais, assidus à leurs piliers où ils apprennent et débitent des nouvelles, « avocats de Pilate sans cause, » ils vivent des rentes amassées par leur père, ancien marchand, et se contentent d’un titre qui les grandit dans leur milieu.

Dans une société où la situation sociale s’achetait avec les places, il fallait être riche pour devenir quelque chose et, par cela seul qu’il ne menait pas à la richesse, le métier d’avocat ne donnait pas l’accès des honneurs. La majorité de ceux qui l’exerçaient y joignaient d’autres emplois, plus ou moins subalternes, qui les classaient dans l’opinion à un niveau modeste. Ceux qui réalisaient des économies acquéraient quelque charge en province