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pour y entrer, il a exigé qu’elle fût européanisée et portée devant la conférence. Satisfaction lui a été donnée ; on peut dire que c’est lui qui a posé et fait accepter le principe que toutes les puissances ont au Maroc des droits égaux. Il a toutefois reconnu, avec les autres, que toutes n’y avaient pas les mêmes intérêts, et que la France et l’Espagne en avaient de particuliers. Ces principes une fois fixés, la conséquence était que toutes les puissances devaient marcher d’accord dans leurs relations politiques avec le Maroc, et que deux d’entre elles étaient spécialement désignées pour proposer les initiatives à prendre. On dira peut-être que cette dernière conséquence ne découle pas nécessairement du principe ; en tout cas, elle en découle naturellement, et ne saurait provoquer aucune objection de la part de gouvernemens amis, désireux de ne pas provoquer entre, eux les tracasseries que l’empereur Guillaume a répudiées à Strasbourg. Avant les derniers événemens ottomans, aucun mandat spécial n’avait chargé l’Autriche et la Russie de prendre des initiatives analogues au sujet des questions balkaniques : tout le monde cependant a approuvé qu’elles les prissent, et pourquoi ? parce qu’elles avaient, elles aussi, des intérêts spéciaux dans les Balkans et que les gouvernemens amis trouvaient juste de leur, reconnaître des droits correspondans. Cette situation a duré aussi longtemps qu’elles ont été d’accord. Ne devait-il pas en être de même pour la France et pour l’Espagne au Maroc ? On l’a cru, la France et l’Espagne ne l’ont pas mis en doute, et elles ont fait savoir qu’elles préparaient des propositions qui seraient ultérieurement soumises à l’approbation générale. Cette manière de procéder a paru correcte : l’Allemagne, pour son propre compte, n’y a fait aucune objection. Elle savait donc fort bien que la France et que l’Espagne travaillaient à la rédaction d’une note commune, lorsqu’elle a fait elle-même la démarche soudaine dont nous avons indiqué plus haut le caractère. Une fois de plus elle se séparait des autres puissances ; elle faisait bande à part ; elle prenait à l’égard du Maroc une attitude particulière, oubliant que l’acte d’Algésiras avait établi la solidarité de l’Europe. Et à quel moment l’oubliait-elle ? Au moment où, un nouveau souverain étant monté sur le trône, l’Europe, quelque disposée qu’elle fût à le reconnaître, avait quelques questions à lui poser et quelques garanties à lui demander. — Commencez par reconnaître le Sultan, disait la Gazette de l’Allemagne du Nord ; vous lui poserez ensuite toutes les questions et vous lui demanderez toutes les garanties que vous voudrez. — Et la Correspondance de l’Allemagne du Sud ajoutait qu’on ne pouvait rien lui