Telle est notre jurisprudence au moment où va s’ouvrir la Conférence de Berlin. Or la Convention de Berne s’était approprié simplement, dans le protocole de clôture de 1896, la disposition de notre loi de 1866, c’est-à-dire la liberté de reproduction pour les instrumens mécaniques. Les Allemands proposent un nouveau texte, qui semble protéger absolument les musiciens contre les fabricans et en réalité ne les protège guère. Ce texte dit d’abord :
« Les auteurs d’œuvres musicales auront… le droit exclusif a) de transcrire ces œuvres sur des parties d’instrumens de musique servant à reproduire mécaniquement les œuvres musicales ; b) d’autoriser leur exécution publique au moyen de ces instrumens. »
Voilà qui est net : défense absolue de reproduire comme de représenter, protection absolue du musicien. Voici qui l’est moins :
« Lorsque l’auteur aura utilisé ou permis d’utiliser l’œuvre dans les conditions sus-indiquées, toute personne tierce pourra, en offrant une indemnité équitable, réclamer le droit de transcription ou d’exécution publique définis sous les lettres a) et b) de l’alinéa précédent… »
Cette seconde disposition détruit à peu près complètement les effets de la première… Un de nos compositeurs donne un opéra. Nul n’a le droit ni de reproduire sur un rouleau de phonographe, ni d’exécuter par le même moyen l’œuvre nouvelle sans son autorisation. Son droit est exclusif, et la protection complète. Mais il permet à un seul fabricant de phonographe de reproduire et d’exécuter la partition. Aussitôt tous les fabricans, moyennant une indemnité, peuvent reproduire et représenter. Le droit exclusif s’est épuisé en s’exerçant et la protection n’assure plus à l’auteur qu’une redevance. La réforme du projet allemand se résume donc en ceci : l’œuvre, reproduite une fois, jouée une fois, par les instrumens mécaniques, tombera dans le domaine public payant, et tout le monde pourra la reproduire et la représenter, en offrant une indemnité équitable, laissée sans doute à l’appréciation des tribunaux… Est-il besoin de montrer les dangers de cette solution ? Elle a le tort de réunir la reproduction et la représentation qui doivent demeurer distinctes ; et pour la reproduction, elle met le compositeur à la discrétion des fabricans. En effet, dès que son œuvre aura été reproduite par