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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/709

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Le lendemain, à l’heure du thé, elle attendit la visite de Le Fanois, qu’elle avait prié de passer chez elle. Quand le jeune homme se présenta, plus pâle et mince que de coutume dans ses vêtemens de deuil, elle alla au-devant de lui avec un sourire où une pointe d’attendrissement se mêlait à sa tristesse. Le Fanois fut frappé par le regard doux et lumineux de ses grands yeux gris. On eût dit que, pour la première fois, de sa vie elle osait soulever le masque d’ironie qui voilait habituellement ses jolis traits.

Elle mit la main dans la sienne et le regarda longuement.

— Comme il me tarde de causer avec vous ! J’ai tant de choses à vous dire, dit-elle, d’une voix douce et caressante ; et elle lui fit signe de prendre un fauteuil tout près du sien.

Il s’assit silencieusement, et pendant un instant tous deux se turent ; puis, d’un ton ému, elle se mit à parler de Catherine.

Le visage de Le Fanois s’assombrit, et il eut un geste presque irrité.

— Mais qu’avez-vous donc ? dit-elle, étonnée.

Il balbutia : « J’ai que... que l’amour de cette enfant me pèse, — que j’ai honte de ne pas avoir pu le lui rendre comme je l’aurais voulu, comme elle le méritait. N’en parlons plus, je vous en prie. »

Miss Lambart répondit en souriant :

— Elle ne s’en est jamais doutée, elle vous croyait sincèrement amoureux.

Il rougit.

— Vous ne voyez donc pas que j’ai honte de cela aussi ?

Elle le regardait toujours avec son sourire attendri.

— Parlons de Mrs Smithers, alors. Je ne l’ai vue qu’un instant ce matin. Elle était tellement prise par ses fournisseurs que je me suis sauvée.

Le Fanois baissa les yeux.

— Elle va mieux, elle cherche à se créer des occupations, dit-il négligemment.

— En effet ; et je crois qu’elle y réussira. Elle m’a parlé d’un déjeuner intime qu’elle compte offrir la semaine prochaine à un grand-duc de passage à Paris. Ne commencez-vous pas à être de mon avis ? reprit-elle, comme Le Fanois se taisait.

— Ne croyez-vous pas que Mrs Smithers fera un beau mariage ?