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visite les écoles primaires de Californie, il est frappé surtout de « l’importance extrême donnée aux moindres faits de l’histoire, cependant si simple et si courte, des États-Unis. Des noms de généraux complètement inconnus, des dates d’événemens médiocres, s’enflent dans les livres et dans la bouche des maîtresses, comme les noms de César, d’Attila ou de Napoléon, et comme la date de l’avènement de Cromwell, ou celle de la Révolution française. » Saisissant exemple de la conduite des peuples décidés à vivre ! La vie est l’ensemble des forces qui luttent contre la mort. Une nation, comme un être vivant, ne subsiste que par une « création continuée. » Plus s’élargit la part du consentement et de la volonté dans la formation et le maintien de l’organisme national, plus s’impose, avec la nécessité vitale du patriotisme, l’urgent devoir, pour l’éducation, de l’entretenir.

C’est une tâche à laquelle ne manque point l’école américaine. Et les Américains lui en assignent une autre, qui complète celle-ci. En plein épanouissement de prospérité matérielle, ils ont résolu de créer chez eux les organes d’une haute culture. A mesure que s’accroissaient la population et la richesse, que grandissait son corps, l’idée se faisait jour d’assurer aussi à la nation une vie spirituelle, de l’élever à la dignité des aînées qu’illustrèrent la Science, l’Art et la Pensée. Il ne paraît pas possible d’expliquer autrement le prestige, assez indéfini d’ailleurs, des études scientifiques et littéraires, le zèle généreux des millionnaires, la multiplication des universités et des collèges. Ce grand effort doit tendre à autre chose qu’à multiplier le nombre des gradués. Les « rois » des affaires, les Pierpont Morgan, les Rockefeller, les Carnegie, ne sont pas des « hommes d’Université. » Leur exemple pourrait plaider avec une éloquence accessible à tous contre la justification utilitaire des Universités. Mais il y a une justification plus haute, et ceux mêmes, parmi les Américains, qui seraient le moins capables de la préciser en formules, ont la foi, plus persuasive que les meilleures raisons. Elle s’est affirmée de bien des manières, dont aucune peut-être n’est plus significative que le projet d’une université nationale à Washington. Dans ce pays de décentralisation, dans cet Etat, qui n’est qu’une fédération d’États toujours plus nombreux, voici qu’on rêve d’une sorte d’impulsion centrale donnée à l’esprit américain. Elle assurerait aux États-Unis, dit un de