Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/857

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

confirmait les ordres du Comité de Salut public et alléguant la résistance probable de ses troupes à ces ordres barbares, il se fit autoriser « à recevoir la garnison assiégée à capitulation. » Après cinq jours de siège et un jour « d’un feu terrible, » elle se rendit prisonnière de guerre.

Le lendemain, arrivaient aux représentans de Dunkerque des lettres fulminantes du Comité de Salut public, qui désapprouvaient leur conduite, accusant Moreau de les avoir trompés en leur laissant ignorer l’arrêté de Guyton-Morveau. « Ceci se passait le 1er Thermidor de l’an II, poursuit-il. Le discours de Robespierre du 8, veille de sa chute où il disait qu’à l’armée du Nord, on s’amusait à planter des arbres stériles de la Liberté, au lieu d’exécuter les ordres de la Convention contre les Anglais, était dirigé contre moi. C’était aussi à ce sujet qu’il disait en parlant des 10 000 hommes qu’il aurait fallu sacrifier pour massacrer la garnison de Nieuport : Périssent 10 000 hommes plutôt qu’un principe. Le lendemain, la France en fut débarrassée ainsi que moi. »

Au siège de Nieuport succéda celui de l’Ecluse, « la place la plus forte de la Hollande, entièrement inondée à plus d’un quart de lieue, excepté la digue de la mer. » Avant de l’attaquer, il fallait s’emparer de l’île de Casau, dont elle est séparée par un canal. Faute d’équipage de pont, Moreau employa, à l’attaque, des barques pouvant porter sept ou huit hommes. L’une d’elles chavira : « J’étais sur le bord de l’eau ; le danger de ces braves gens me fit la plus grande peine. J’oubliai que je commandais ; j’ôtai mon habit et me jetai à la nage. J’eus le bonheur d’arracher à la mort un grenadier. J’obtins de la Convention un Bien mérité de la patrie. Mais j’attachais plus de prix au bonheur d’avoir sauvé un homme. » L’Ecluse fut pris vingt et un jours plus tard, sous un feu épouvantable qui fit des vides nombreux parmi les assiégeans, déjà décimés par une fièvre épidémique qui remplissait les hôpitaux.

Pichegru ayant été, à cette époque, appelé au commandement de l’armée du Rhin, Moreau le remplace à l’armée du Nord. La paix de Bâle lui vaut quelques mois de repos, au bout desquels, appelé lui-même à commander sur le Rhin, il commence la campagne de l’an IV, ou, pour mieux dire, la retraite à laquelle le condamnent les revers de l’armée de Sambre-et-Meuse. Il est alors au centre de l’Allemagne, à cent lieues de nos