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de la sympathie. Elle va chez lui jusqu’au pouvoir de revivre en lui-même la souffrance des autres et d’en percevoir la cause. Cette faculté renferme donc en germe la compréhension. Bien au-delà des sensations physiques et bien au-dessus de la raison, elle remonte aux sources spirituelles de l’âme. Elle devient ainsi le germe de l’intuition et de la clairvoyance, par suite le moyen essentiel de l’initiation aux vérités suprasensibles. Voilà ce que Wagner montre admirablement dans la manière dont il nous présenté son héros. Lorsque Parsifal, ignorant encore de tout, arrive dans le domaine du Graal, il tue innocemment un cygne d’un coup de flèche. Gurnemanz, le gardien du temple, lui montre l’oiseau mourant, son plumage de neige taché de sang et son regard brisé. Parsifal ému détourne la tête, brise son arc et le jette avec horreur. C’est sa première révélation, car c’est, dans son âme juvénile, le premier frémissement de l’âme universelle qui relie tous les êtres. Gurnemanz l’emmène dans le temple et le fait assister à la cérémonie du Saint-Graal. Le novice étonné entend le son des cloches profondes, il voit les chevaliers vêtus de blanc arriver sous la coupole, il voit le sang du Christ reluire dans la coupe de cristal et inonder de ses rayons l’assemblée des preux. Parsifal, comme emporté dans un rêve, ne comprend pas. Mais lorsque le roi Amfortas, le roi indigne de sa fonction parce qu’il est impur, pousse sa plainte désespérée, le nouveau venu porte subitement la main à son cœur qui se contracte sous l’étreinte d’une souffrance inconnue. La cérémonie terminée, le bon gardien demande à l’intrus s’il a compris ce qu’il a vu. Parsifal hoche la tête et Gurnemanz déçu le chasse avec humeur du temple. Mais le spectacle merveilleux qui s’est imprimé dans l’âme du jeune homme et la secousse de tout son être qu’il a ressentie devant la douleur d’Amfortas seront le principe de son initiation.

Le second acte, celui de l’Épreuve, se passe dans le château de Klingsor, qui s’oppose à la forteresse du Saint-Graal comme un repaire de magie noire, de volupté et de perdition. Il nous met en face du magicien pervers et de la séductrice Kundry. Cette Kundry est une des plus vivantes et des plus originales créations de Wagner, une de celles qui révèlent le mieux la profondeur de sa divination ésotérique. Elle a deux personnalités, deux âmes opposées qui alternent l’une avec l’autre, et lui font mener tour à tour deux existences absolument contraires. Tantôt, sous