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demandait à être défendue par le secret de sa vertu propre. Fallait-il maintenir intacte la grande propriété ou bien la morceler pour multiplier le nombre des combattans ayant intérêt à vaincre ?

Cette question précise divisa les esprits. Les grands seigneurs résidant à l’étranger et possédant en Posnanie près de cent mille hectares, s’acquittent de leurs devoirs patriotiques par une contribution en espèces ; parmi ceux qui habitent la province, quelques-uns sont partisans des opérations de banque, à l’effet pur et simple de purger des hypothèques. Le grand nombre a compris, dès la première heure, la valeur de l’idée d’association. L’ « Association des grands propriétaires polonais » travaille d’accord avec les institutions populaires, dans un même dessein économique et national.

Si ces terriens sociaux ont été souvent le conseil et l’exemple, les paysans sont la puissance. Une « république de paysans, » constituée par un cycle complet de volontés politiques, d’idées sociales, d’institutions économiques et de croyances religieuses, gérant avec ordre, science et autorité ses propres affaires, est le résultat positif des lois d’exception contre les Polonais. Dans la région d’Ostrowo, les deux tiers, au Sud-Est de Posen, la moitié, entre Gnesen et Thorn, les trois quarts, entre Strasburg et Löbau en Prusse occidentale, les deux tiers des terres polonaises appartiennent aux paysans. De ces contrées, où la densité slave est de 80 à 80 pour 100, leur influence économique, endiguée à l’Est par la frontière russe, s’étend dans les deux provinces. Les petites villes vivent du paysan ; étant la source de richesse, il garde la prépondérance sociale. La Bauernschaft a la haute main dans les organisations polonaises, notamment dans les associations de crédit. Celles-ci comptaient, à la fin de 1906, 72 000 membres, ainsi répartis : 16 000 artisans et industriels, 10 000 commerçans, 46 000 agriculteurs, parmi lesquels 45 000 paysans.

Cent mille personnes sont affiliées à deux cents sociétés diverses où les paysans l’emportent de 26 pour 100 sur les autres professions. Ils ont fait leur éducation sociale dans les « Bauervereine » fondés par Maximilian Iackowski, mort patriarche à quatre-vingt-dix ans, en 1905. Un peuple qui a perdu son autonomie politique ne peut, pensait-il, persévérer dans le sentiment national que s’il se donne une organisation sociale propre à