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d’après un plan savant qui tendait à l’encerclement des petites villes, boulevards du « polonisme. » La réalisation de ce plan fut contrariée par la cessation subite des offres polonaises. En 1897, la superficie des terres achetées aux Polonais l’emportait encore sur celle des terres achetées aux Allemands. Depuis 1898, il n’y a plus un lopin polonais à vendre, si ce n’est par voie d’intermédiaire retors. D’une année à l’autre, les offres ont oscillé entre 230 000 et 18 000 hectares. La surface des grandes propriétés offertes à la Commission va en diminuant ; celle des petites propriétés va en augmentant. En 1886, 28 paysans allemands proposaient 1 270 hectares ; en 1906, 507 sont disposés à abandonner 17 136 hectares. Le goût de la spéculation s’est emparé du terrien allemand des provinces de l’Est. Il offre son domaine à la Commission de colonisation, avec menace de le livrer à l’ennemi. Parfois même, il vend à un Polonais, se réservant le droit de réméré à exercer dans un délai de quatre semaines, afin de laisser à la Commission le temps de juger si elle veut « sauver » ce bien, moyennant une majoration qui sera partagée entre le vendeur et le spéculateur Biedermann. Des annonces insérées dans les journaux activent les compétitions. Le professeur Delbruck raconte, dans une des plus intéressantes études qui aient paru sur la Polenfrage[1], que deux voisins, un Allemand et un Polonais, ayant fait faillite, la Commission de colonisation acheta la terre du Polonais qui, peu de temps après, acheta la terre de l’Allemand. Le 26 novembre 1907, le prince de Bülow déplorait ce manque de patriotisme du haut de la tribune du Landtag[2]. « Des hommes qui connaissent bien les deux provinces mont assuré, ajoutait-il, que, en Prusse occidentale et en Posnanie, il y a peu de propriétés, en dehors des Fidéicommis, qui ne soient à vendre immédiatement. » Sur les 335 383 hectares achetés par la Commission de colonisation, au 1er janvier 1908, 106120 hectares seulement proviennent de mains polonaises[3].

Quand vinrent les temps difficiles, le Landtag vota de nouveaux fonds : 100 millions de marks en 1898, 150 millions en 1902. On doutait cependant du succès d’une entreprise qui se heurtait à une résistance d’autant plus déconcertante qu’elle

  1. Professeur H. Delbruck, Die Polenfrage. Berlin, 1894, p. 9.
  2. Haus der Abgeordntlen, Stenog. Berichte, p. 15.
  3. Denkschrift über die Ausführung des Gesetzes von 26 april 1886 ; 3 mars 1908.