Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 48.djvu/239

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lâcheté à l’égard du socialisme révolutionnaire, car, après avoir condamné très sévèrement l’antimilitarisme et l’antipatriotisme, ils ont déclaré qu’ils ne se sépareraient pas des ennemis de la patrie et de l’armée, qu’ils continueraient de faire cause commune avec eux, et qu’ils voteraient pour leurs candidats à l’occasion. Telles sont les dernières manifestations des partis sur lesquels le gouvernement s’appuie ou qu’il se croit obligé de ménager : il l’est en effet par sa composition propre aussi bien que par celle de sa majorité.

Et ces manifestations n’ont pas été seulement verbales : on sait par quels actes la Confédération générale du travail, qui parle moins que M. Jaurès, mais qui agit davantage, a essayé de mettre en pratique les plus funestes doctrines. Tout cela a ému l’opinion, et méritait incontestablement d’occuper la Chambre : cependant, elle s’est bornée à écouter M. Deschanel et M. Viviani, et tout s’est borné à cela, car on peut compter pour peu de chose l’ordre du jour de MM. Colliard et Zevaès qui a été voté par 312 voix contre 53, avec 185 abstentions. Cet ordre du jour se bornait à approuver les déclarations du gouvernement. Le reproche qu’on pourrait adresser à M. Paul Deschanel est de n’en avoir pas lui-même présenté un. Sans doute il aurait été battu, mais qu’importe ? Il aurait donné une sanction parlementaire à son interpellation. Quant à son discours, il contenait des choses excellentes, et on ne peut pas dire qu’il ait manqué de conclusion, puisque, après avoir dénoncé la propagande syndicaliste révolutionnaire, il demandait, pour la conjurer, « une organisation rationnelle du travail avec toutes les institutions qu’elle comporte ; l’extension de la capacité syndicale ; la protection de la liberté du travail ; un statut pour les agens de l’État ; des garanties relatives aux services publics ; la lutte contre la violence et contre une propagande scélérate. » Le jour où toutes ces conditions seraient remplies, il y aurait un changement profond dans notre situation intérieure. M. Deschanel n’a pas proposé formellement la suppression de la Confédération générale du travail : il a laissé ce soin à M. Pugliesi-Conti, qui s’en est d’ailleurs acquitté avec fermeté. Nous reconnaissons que c’est là une question délicate. Un point pourtant est hors de doute, puisque nous avons pour l’éclairer la déclaration formelle de M. le ministre du Travail, c’est qu’on peut dissoudre la fameuse Confédération, ou plutôt qu’on le pourra quand on le voudra. Nous n’en avons jamais douté ; mais nous ne doutons pas davantage qu’on ne le voudra pas, aussi longtemps qu’il y aura dans le ministère un socialiste aussi qualifié que M. Viviani. Quelle raison a-t-il donnée