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que lui traçait son propre intérêt ; mais elle n’a trahi envers elle ni antécédens, ni obligations. » L’Angleterre s’est éloignée de la France, et c’est contre elle que devaient se tourner les flèches de son indignation et de son hostilité. Selon l’avis du comte Nesselrode, c’est la conviction intime de la majorité des Français, dont la colère contre l’Angleterre cache un germe d’amitié pour la Russie. « Telle est, sire, » écrivait-il, « la disposition actuelle en France, sinon du gouvernement lui-même, au moins d’un bon nombre d’esprits. Elle va si loin que nous y avons déjà vu le chimérique projet d’une alliance russe germer dans la tête de plus d’un personnage influent. Ainsi, en même temps que nous avons reconquis l’amitié de l’Angleterre, nous voyons la France implorer la nôtre. »

Dans le cours de l’année 1841, Guizot réussit à retirer la France de la position pénible dans laquelle l’avait mise la convention de Londres sur l’Egypte. En juillet 1841, fut signée la convention des Détroits à laquelle elle prit part.

Le baron Brunnow caractérisa la politique française dans la question d’Orient sous les trois derniers ministères dans ces termes malicieux : « Tergiverser sous le premier ministère Soult, — menacer sous Thiers, — mendier sous le ministère actuel de Guizot, — voici de quelle manière la France a entendu traiter les grandes affaires d’Orient qu’elle a prétendu régler de concert avec nous. »

C’est un devoir d’équité de constater que Guizot ne mendiait pas ; il cherchait à relever la France de l’échec qu’elle avait éprouvé. Il s’appliquait à démontrer au comte Pahlen que la France ne pouvait pas dans ce moment accéder à la convention de Londres, mais qu’elle était disposée à prendre part à une autre transaction quelconque sur ta question d’Orient, comme par exemple celle des Détroits ou celle qui concernait les populations chrétiennes en Turquie, etc. « Dès que nous serons parvenus à une signature commune, » disait Guizot, « tout sera terminé, et nous désarmerons. » Après avoir reçu de Londres un projet d’accord sur les Détroits, il dit au comte Pahlen qu’il en acceptait le fond, en se réservant le droit de faire quelques observations sur les détails. Il refusait de prendre l’initiative pour la conclusion d’un « acte final » quelconque, ne désirait pas accéder à la convention de Londres de 1840 et ne consentait pas à recevoir une injonction de désarmement.