Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 48.djvu/384

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle sut comprendre chaque voix distincte et « suivre chaque sentiment comme un fil de cette toile mystérieuse que la passion tisse d’un cœur à l’autre autour du monde vivant. » Mais parvenue à cet entendement absolu, de nouveau la tristesse l’envahit, et le poids de tout ce qu’elle savait l’oppressa. Alors, dans son inquiétude, elle se rappela que le Seigneur avait dit : « Il y a un sentier qui mène à la paix, » et, pour la troisième fois, elle alla lui porter son âme lourde. — Je sais ce que tu as entendu, lui dit-il, car tout l’étonnement du monde est écrit sur ton visage. Parmi tant de voix as-tu entendu la voix de la paix parfaite ? Et ton cœur qui a entendu les vœux et les désirs des hommes est-il satisfait ? » Elle répondit : « Non. Ce que j’ai entendu trouble mon âme ; car de tous les esprits de l’humanité, et de toutes les pensées inexprimées, s’élève toujours une voix qui questionne et qui demande ; qui demande le sens de ce monde immense et n’obtient pas de réponse, qui demande et demande encore, patiente et plaintive ou déchaînée, et n’éveille d’autre voix que celles des autres questions qui errent à la même poursuite. Et cette voix s’élève au-dessus de toutes les autres, et les rassemble en une seule, une interrogation éternelle et vaine. Oh ! Maître, faites-moi retomber dans le silence d’autrefois ! ou bien, s’il est encore une porte que vous puissiez ouvrir pour moi, faites que je puisse entendre la réponse de la paix. »

Le Christ lui répondit : « J’ai ouvert la porte de tes oreilles et la porte de ton esprit, j’ouvrirai maintenant la porte de ton cœur, et l’entendement absolu te sera donné. Ecoute la pensée certaine qui vit sous les pensées troubles des hommes. Ecoute l’éternelle harmonie que font les messages secrets de Dieu dans l’âme qui sait écouter. »

Comme une fleur en son plein épanouissement déplie ses pétales pour accueillir l’aube, ainsi Véra ouvrit son âme, et la lumière de la joie absolue brilla sur son visage. Qu’entendait-elle ? je ne puis le dire, et sans doute ne le pourrait-elle non plus exprimer, car les mots de l’homme sont vains. Sous la voix profonde des eaux, au-dessus de la voix errante du vent, à travers les voix diverses de toutes les choses vivantes qui emplissent de sons l’univers, Dieu parlait. Et la paix était en Véra.

Et quand le Maître l’interrogea, disant : « Entends-tu ? » elle répondit : « Oui, maintenant enfin j’entends. — Comprends-tu le monde ? — Il ne me trouble plus. — Que te dit la voix de