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peu de mois l’histoire de Rapatel. Cet officier, trop connu par son attachement à Moreau pour poursuivre sa carrière dans la France impérialisée, était allé tenter la fortune en Amérique. Mais ses entreprises avaient échoué et, sur le conseil de son général, il s’était décidé à solliciter du Tsar un emploi dans l’armée russe.

Le 11 décembre, sa prière était exaucée ; Romanzoff en avertissait Pahlen et, le 6 juin 1812, Rapatel, muni d’argent et de recommandations pour les ministres russes à Stockholm et à Copenhague, quittait New-York, chargé en outre des dépêches de la Légation. À cette époque, Pahlen était déjà au Brésil. C’est son successeur, André de Daschkoff[1], qui avait terminé la négociation engagée avec Rapatel et présidé à son départ. À cette occasion, il avait reçu une lettre de Moreau qui lui recommandait le solliciteur.

« Cet officier a été employé à l’armée comme mon aide de, camp et je crois pouvoir assurer que c’est une bonne acquisition pour le service de Sa Majesté l’empereur de Russie. Il a servi pendant toutes les guerres de la Révolution, tant sur mer que sur terre. Son frère, qui m’était particulièrement attaché comme adjudant général, le fit passer au service de terre comme plus avantageux. A beaucoup de bravoure, il joint l’habitude et l’expérience des combats, qualité bien précieuse et qu’aucune science théorique ne peut remplacer. Je crois qu’on ferait bien de l’employer d’abord dans les états-majors où il pourrait se familiariser avec l’organisation d’une armée à laquelle il est entièrement étranger et s’appliquer à l’étude de la langue qu’il doit indispensablement apprendre s’il veut réussir. »

Peu de jours après l’embarquement de Rapatel, Daschkoff alla remercier Moreau de sa lettre. C’était à la veille du départ de Mme Moreau. Il trouva la maison en désarroi, le général en proie au plus grand trouble, très affligé en pensant que sa femme et sa fille allaient s’éloigner de lui. Néanmoins, après avoir accueilli les remerciemens du diplomate russe, il laissa l’entretien s’égarer sur d’autres sujets et notamment sur la déclaration de guerre aux Anglais, que venait de voter le Congrès américain, ainsi que sur la valeur réciproque des troupes qui allaient être aux prises.

  1. Il était antérieurement consul général. On disait à Saint-Pétersbourg qu’il devait à l’influence de sa femme sur Romanzoff d’avoir été nommé ministre plénipotentiaire en remplacement de Pahlen.