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fondé à croire qu’un article de journal qui, venu de si haut, avait pu arriver jusqu’à lui sans que personne l’arrêtât en route, n’était pas de nature à ébranler le monde. On voit pourtant ce qui en est advenu. M. de Bülow, voulant prendre généreusement toute la responsabilité sur lui, a donné sa démission que l’Empereur n’a pas acceptée. M. de Schœn, subitement tombé malade, a donné la sienne, et on ne sait pas encore si elle est acceptée, ou si elle le sera définitivement. Cela dépendra sans doute des séances qui ont lieu en ce moment même au Reichstag. En attendant, M. de Schœn est remplacé. Mais, ni la fausse sortie M. de Bülow, ni la demi-disgrâce de M. de Schœn, ne sauraient couvrir le désordre que l’on découvre avec stupéfaction dans le gouvernement impérial.

On se demande où y est le contrôle, où y est la responsabilité. On les cherche partout, on ne les trouve nulle part. On se tourne vers le Reichstag. Que fera le Reichstag ? Pendant que nous écrivons, il délibère, sans que nous puissions dire quel sera le résultat de ses délibérations. Bien qu’elle ait un parlement, l’Allemagne n’a pas un gouvernement parlementaire. Elle ne l’a pas, mais elle aspire à l’avoir, et tous les partis à la fois, depuis les socialistes les plus hardis jusqu’aux agrariens les plus loyalistes, demandent des garanties contre le pouvoir personnel de l’Empereur. Ils les demandent avec une énergie qui ne ménage plus rien. Jusqu’ici M. de Bülow a répondu peu de chose. Il s’est efforcé d’atténuer la portée des révélations impériales ; il a promis surtout que l’Empereur ne recommencerait plus, et que, s’il en était autrement, il ne manquerait pas de donner lui-même une démission cette fois irrévocable. Mais le Reichstag se contentera-t-il de ces promesses ? Le problème qu’il parait s’être donné à résoudre est de refréner l’Empereur et de conserver le chancelier. On n’en veut pas à ce dernier : sa chute aurait, dit-on, des conséquences trop graves pour qu’on la précipite. M. de Bülow restera sans doute à la chancellerie impériale, et M. de Schœn reviendra peut-être au ministère des Affaires étrangères. Mais quelque chose sera atteint profondément dans l’âme allemande, et nous craignons bien que ce ne soit le respect presque religieux que le gouvernement impérial inspirait.


Nous ne pouvons, faute de place, qu’annoncer le résultat de la grande bataille électorale qui vient d’avoir lieu aux États-Unis, pour la présidence de la République. Le mardi 3 novembre, les électeurs présidentiels ont été élus, et, comme ils ont un mandat impératif, leur élection détermine celle du président. La lutte est finie ; M. Taft est