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ennuis journaliers que l’on désigne communément par ce nom-là : que si les momens que me prennent les importuns me paraissent quelquefois bien longs, c’est que rien ne paraît si long que ce qui ennuie ou distrait d’un intérêt quelconque, et non pas précisément que ces momens-là soient effectivement bien longs et bien fréquens. Mais je ne suis pas en humeur de faire mon apologie ; et puis, je trouve si doux de voir que ce qui m’intéresse vous touche, que j’accepte votre petite gronderie comme une marque de tendresse. S’il y a quelque chose en moi qui mérite d’être gouverné par vous, et d’être à vous, soyez sûre que je ne le laisserai pas à la discrétion ni de la société, ni des importuns. Je défendrai ce que vous aurez déclaré votre bien ; et si j’avais le temps de vous détailler les progrès que j’ai faits, en cela, depuis deux mois, vous seriez presque contente de moi. Ne vous figurez pas non plus que je sois sans ambition, j’en aurai bien plus à présent que vous en avez pour moi ; mais aujourd’hui, l’ambition, de quelque genre qu’elle soit, a tant d’obstacles à vaincre, et si peu de fruits à produire, que ce n’est presque pas la peine d’en avoir. Il faut du moins tâcher de n’en avoir qu’une où il y ait quelque fierté, quelque noblesse et l’espoir d’un service petit ou grand rendu aux hommes. L’ambition d’être Grec ou Espagnol me paraît aujourd’hui, dans le monde, presque la seule que l’on puisse avouer d’une voix bien ferme et bien haute...

Oui, chère douce amie, je le lirai, je le lirai tout entier, votre cher Walter Scott, à condition de le lire avec vous, ou pour en parler avec vous. Mais je vous annonce que nous aurons de grandes querelles, non pas précisément à propos de Walter Scott, non pas même à propos de votre enthousiasme pour les fées, pour les sorciers, pour les légendes ; j’aime la vie partout ; et celle des temps d’ignorance et de barbarie a des choses qui me plaisent et qui me charment, autant peut-être que personne Mais je ne voudrais pas que vous eussiez pour ces choses-là un enthousiasme exclusif et absolu ; et j’ai bien, bien des choses à vous dire là-dessus : il faut comprendre le passé et l’aimer, mais pas aux dépens ni du présent, ni de l’avenir

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Lundi soir à dix heures. — Je reprends ma lettre interrompue ce matin et je la reprends au retour de ma promenade du soir, que je fais presque toujours seul, et que je n’aime à faire que